Aujourd’hui, Sunset Bld rend hommage à Michael Cimino, l’un des plus grands génies de toute l’histoire du Septième Art.
Le réalisateur de Voyage au bout de l’enfer (The Deer Hunter, 1978) et de L’année du Dragon (Year of the Dragon, 1985) nous a quitté le 2 juillet, il avait 77 ans. Ses films dérangeants et sans aucune concession ont marqué Hollywood au fer rouge. Mal aimé, incompris, maudit… l’homme a toujours fait polémique et son travail ne sera reconnu que tardivement.
Michael Cimino ne s’est jamais vraiment remis de l’accueil désastreux qui lui avait été réservé en 1980 pour La Porte du paradis (Heaven’s Gate), un échec cuisant, autant critique que public. Après seulement une semaine d’exploitation aux USA, le film est retiré de l’affiche avant d’être amputé de plus d’une heure (300 coupes !), sacrifié et remonté. Il ressort 8 mois plus tard en 1981 pour se faire à nouveau rejeter et démolir. Le budget investi était de 44 millions de dollars, le film n’en rapporte que 3 et fait couler United Artists. Mais que reprochait-on précisément à l’époque à La Porte du Paradis ?
La Porte du Paradis est une production démesurée et une ambitieuse fresque épique et monumentale de plus de 3h30, sans équivalent, sur l’histoire de la construction de l’Amérique.
Le scénario s’inspire de faits réels survenus dans le Wyoming entre 1889 et 1893, la Guerre du Comté de Johnson. Ce conflit opposait les riches éleveurs aux colons venus d’Europe de l’Est récemment établis et accusés de vol de bétail. Les grands propriétaires terriens embauchèrent une milice afin de liquider purement et simplement la concurrence. Les petits agriculteurs mirent alors en place une résistance, secondés par les shérifs locaux. C’est une armée de 200 hommes qui vint alors affronter les riches éleveurs et leurs mercenaires. Le Président des États-Unis Benjamin Harrison dut alors envoyer la cavalerie sur place afin d’éviter la guerre.
En 1980, Michael Cimino s’empare de cette histoire de lutte des classes pour écrire un scénario original et créer une immense œuvre allégorique sur l’histoire de l’Amérique, s’éloignant certes des évènements originaux. Le film est brûlant, cru, et pas vraiment tendre avec la réalité historique.
Quand La Porte du Paradis sort sur les écrans en 1980, les USA viennent tout juste de quitter les années 1970 qui ont connu des changements radicaux dans un contexte politique difficile (Guerre du Vietnam…) et un contexte social en pleine mutation (libération sexuelle…). Le cinéma, encouragé par la suppression du Code Hayes et de la censure, et véritable porte étendard de cette époque troublée en quête d’identité, voit son langage complètement renouvelé, il se veut plus expérimental. Le western vit ses dernières heures. Il est entré depuis quelques années de plain-pied dans son ère crépusculaire tandis qu’on commence à parler à demi-mot de génocide indien et à être plus critique avec l’histoire. Mais en 1980, à l’heure où l’Amérique libérale triomphe, le film déplaît au plus haut point. Cette histoire de massacre entre immigrés et descendants des premiers colons ne passe pas et la bonne conscience de l’Amérique abîme et piétine littéralement le film de Cimino. Aujourd’hui, nous pouvons sans doute prendre tout le recul nécessaire et acceptons plus volontiers de démystifier l’Histoire.
En 2012, La Porte du Paradis bénéficie d’une restauration, d’une ressortie en director’s cut (de 3h36) lors de la Mostra de Venise et d’une édition en Blu-ray.
On peut se réjouir que Michael Cimino ait connu de son vivant le reconnaissance de son film en tant qu’œuvre maîtresse, aujourd’hui considéré comme l’une des sept merveilles du monde cinématographique.
Bande-annonce de la version restaurée :
La reconstitution historique et l’image sont extraordinaires, la photographie de Vilmos Zsigmond superbe, les acteurs (casting purement incroyable : Kris Kristofferson, Christopher Walken, Isabelle Huppert, John Hurt, Jeff Bridges, Brad Dourif, Joseph Cotten, Mickey Rourke, Willem Dafoe…) remarquables et charismatiques, les personnages complexes. On passe de la grande Histoire à l’intime, le film traitant avant tout de la mélancolie et des illusions perdues sur fond de décors grandioses.
Le film a été principalement tourné dans le Montana car Michael Cimino jugeait le Wyoming insuffisamment pittoresque ! Vous y verrez le magnifique parc national de Glacier, le lac de Two Medicine, et la petite ville de Kalispell (notamment la mémorable scène de la piste de roller). Le village de Sweetwater a quant à lui été construit une première fois, puis détruit et reconstruit, car les rues n’étaient pas assez larges au goût du réalisateur. Quant à la maison close, il s’agissait d’un ranch que l’acteur Jeff Bridges acheta après le tournage. Les scènes de la ville de Casper (dont la gigantesque scène d’ouverture du film), elles ont toutes été filmées à Wallace dans l’Idaho.
2 Commentaires. En écrire un nouveau
Je ne l’ai jamais vu mais j’ai maintenant très envie de le voir ce fameux film, merci pour ce superbe article Zaius 🙂
Hello Legibus, je pense que tu devrais apprécier (mais surtout, regarde bien la version longue !)