" I ...Comme Icare "
Admirer une infime partie de l'immensité du
Grand Canyon depuis la
rive qu'on a choisi de visiter , laisse une impression d'inachevé ...
La complexité de sa topographie ne peut s'inscrire dans une unique vision panoramique .
Se posent dès lors 2 alternatives : le toucher au coeur et approcher au plus près cette source de vie qu'est le
Colorado , en défiant ses pentes escarpées , affrontant la canicule jusqu'au bout de la soif

prêts à chevaucher ce dragon capable des pires tumultes propres à faire se cabrer un
raft ;ou bien : tutoyer
les étoiles pour réaliser le rêve d'
Icare pour en contempler depuis les nues, les méandres les plus intimes dans une diversité aquatique et minérale toute en harmonie ...
Le même choix cornélien s'était posé pour nous à
Lake powell : le survol ou l'immersion ?
La séduction de l'eau l'a emporté , mais pour satisfaire à ce plaisir , il avait fallu y consacrer plus de temps ...
Pour
Grand canyon , nous avons opté pour
l'effet papillon "
(sans doute inspirés par le nom de la compagnie auprès de laquelle nous avions réservé

)
...mais , contrairement à la théorie avancée , le cataclysme n'a pas été le résultat annoncé ; le seul
chaos , fut celui , bien ordonné que nous avons eu le plaisir de découvrir au cours de notre vol .
Le petit aéroport de
Tusayan est intimiste ; l'hôtesse au sol , seulement informée par quelques échanges aimables de mails depuis l'Europe a le don de cultiver la convivialité ; à peine le seuil franchi , l'appel interrogatif de mon prénom retentit ?? " Yes , it's me ! " .
Suit le cérémonial de la " pesée " au garde à vous sur un emplacement réservé , devant l'hygiaphone , où une partie du sol sert de pèse personne .
J'avais réservé l'option " hublot " moyennant supplément , la gentille employée de la Cie Papillon m'annonce qu'elle ne m'a pas " chargé " , et pour cause , l'avion , un
vistaliner le bien nommé , comporte seulement 8 places , toutes près d'une
bow window
Voici , en images , un aperçu ...
Notre ange gardien de pilote n'a rien à envier à ses homologues
rangers rencontrés auparavant en matière d'hospitalité , bienvenue à bord !
Nous bénéficions ce matin là ( 9 heures ) , de la clémence du ciel , car l'avant veille aucun aéronef n'avait pu décoller à cause de violentes rafales de vent !

( ce qui nous avait été confirmé par notre ami
biker rencontré par hasard à
Cameron ...)
En outre , nous explique notre " guide " , nous aurons de la chance , car les eaux du fleuve sont redevenues limpides depuis 2 jours !
Nous allons tout d'abord survoler la luxuriante forêt de
Kaïbab ce qui signifie :
" mountain lying down " en language
Hopi .
Le parcours prévoit ensuite le survol de
Zuni point où le
canyon domine en une belle couleur rouge puis le
Zuni corridor où confluent
Colorado et
Little Colorado en provenance de l'est de l'
Arizona .
Aujourd'hui , pour notre plus grand plaisir , le fleuve
Colorado s'est parjuré !
Si on en croit l'étymologie espagnole :
Colorado signifie rouge ...
or , à cette heure , les eaux revêtent une immaculée parure émeraude , à moins que nous ne soyons devenus daltoniens ?
Le "
petit frère "Little colorado , est quant à lui tout de
turquoise revêtu , en hommage aux artisans joailliers autochtones qui viennent y puiser la matière et le savoir faire afin de satisfaire aux désirs des amateurs de bijoux .
Serait-ce de là que le peuple
des eaux vertes et
bleues , les
Havasupaïs tirent leur nom ?
Voici ce qu'on
" pourrait " découvrir si on abordait les rives de
Little colorado ...
A moins , qu'avec un rien de mysticisme , on voit dans ce
"partage des eaux " la symbolique du cérémonial des
" sangs mêlés " ?
Poursuivant notre idylle avec le
Canyon , devenus des émules de
Yann Arthus Bertrand , nous étions les heureux participants à un feu d'artifice d'images , goûtant à satiété l'extrême
beauté sans nom de ce lieu tant de fois convoité ...
Nous avons survolé la
rive nord enneigée ...
...puis inlassablement une continuité de tableaux laissant apparaître cette puissante nature nue et presque vulnérable ...
L'oiseau s'est posé ; à bord règne un silence de cathédrale , une communion d'émotions partagées ; on échange pudiquement des regards, " humides " pour certains ...
Le temps s'est arrêté , nous ramenant prestement à notre humble condition humaine , conscients de notre fragilité face à la puissance des éléments .Nous avons, en une modeste heure de notre temps, réécrit un hymne à la nature , qui ne fut en réalité qu'un nouveau chapitre de notre parfaite osmose avec tout les " trésors " de ces derniers jours .Le
Wild West s'interrompt avec cette ultime étape au
Grand Canyon ; nous allons retrouver la civilisation et les
cities .
Je songe à
Bonaparte pendant la campagne d'Egypte prompt à prononcer :
" Du haut de ces pyramides , quarante siècles nous contemplent ! "
L'espace temporel revêt ici une toute autre dimension !!!
Mais la nature n'est plus maîtresse des évènements qui précipitent son " vieillissement prématuré " .
L'homme endosse son rôle le plus détestable de prédateur et puise sans relâche à cette " source de vie "qui coule dans les veines de la planète depuis si longtemps .
Le
Fleuve est en danger ! Mais seule la conscience collective pourra stopper le processus ...
Blood of earth, la bataille de l'eau a déjà commencé , même les indiens
Navajos s'apprêtent à livrer cette " nouvelle " guerre ...
Antoine de saint Exupéry a dit :
" nous n'héritons pas la terre de nos ancêtres , nous l'empruntons aux générations futures "
et également ...
" Moi , je respecte d'abord ce qui dure plus que les hommes "
Nous sommes restés muets dans le 1/4 d'heure qui a suivi notre atterrissage , tous les 5 , nonobstant nos âges différents , pudiques et respectueux face à nos émotions . Mes enfants m'ont remercié 100 fois , plus que de raison ; ma plus grande joie fut pour moi, et avant toute chose , leur satisfaction et le bonheur partagé ...
" S'il vous plaît ...dessine moi un mouton . "