Lee Vining --> Yosemite Valley --> Modesto
A partir d’aujourd’hui nous n’avons plus d’hôtel réservé, plus de ville étape programmée, plus de randonnée aux limites de l’impossible dans le viseur. Nous allons improviser au jour le jour. C’était, dès le début, une exigence de ma cliente qui avait peur d’étouffer dans le carcan d’une programmation trop parfaite.
La Tioga Pass Road est ouverte depuis quelques jours. La route, culminant à plus de 3000m, est magnifique, avec des lacs gelés sublimes,
des dômes de granit que Marcia veut grimper mais que nous ne ferons qu’effleurer,
encore des lacs,
des forêts gigantesques, des séquoias géants (en petit nombre),
des points de vue à tomber (mais on se retient aux balustrades), des rivières, des cascades.
Nous arrivons finalement dans la vallée du Yosemite où nous attendent des géants : El Capitan, un monolithe de granit de 1000m de haut, les Yosemite Falls, deux cascades l’une au dessus de l’autre cumulant 740m de chute, et le Half Dome, un énorme bloc culminant à 2700m et accessible via une célèbre randonnée.
Yosemite NP est vraiment une merveille de la nature… mais malheureusement, ce mardi 13 mai, pour une raison que je ne m’explique pas, d’autres géants du parc, les parkings, sont pleins et la foule est partout, sans vergogne. Nous tentons de convaincre les gens de partir, de rentrer chez eux, de retourner à leur quotidien afin de nous laisser jouir en toute quiétude, moi et ma cliente, de toute cette beauté. Mais personne ne nous voit, personne ne nous entend !!! Il me vient l'envie de leur prêter mes lunettes pour leur ouvrir les yeux mais je me ravise, je ne veux pas risquer de les perdre à nouveau. Nous nous regardons, abattus. La tête basse nous décidons quand même de fendre la foule pour aller jusqu’au pied des Yosemite Falls pique-niquer au bord de la rivière, un peu à l'écart.
Les hébergements du parc étant complets, nous décidons d’en rester là (pour cette fois) et nous partons vers l’ouest, en direction de San Francisco que nous comptons atteindre demain. Nous traversons de nombreuses portions de forêt brûlée.
A Groveland, nous faisons une halte au Iron Door Saloon, le plus vieux saloon de la Californie (fondé en 1852). Nous y buvons moi une bière, Marcia un café
dégueulasse américain, accoudés au comptoir parmi quelques habitués désœuvrés. Puis nous reprenons la route, toujours vers l’ouest, toujours sans destination précise pour ce soir. Le relief s'aplanit et fait place à une plaine interminable de cultures maraîchères où des dizaines d’ouvriers agricoles travaillent à quatre pattes en plein soleil à ramasser ce qu’on suppose être des fraises.
Nous faisons étape à Modesto, petite bourgade de 200 000 habitants étalée sur des km et des km. Après avoir posé nos affaires dans la chambre du motel (trouvé sur internet en chemin), nous partons faire une lessive dans un lavomatic proche. Nous sommes en plein centre (si ce mot a un sens dans ce genre de ville) mais c’est trop calme. Un centre commercial vide, avec une pancarte “fermeture définitive” côtoie un restaurant également fermé définitivement. Tout est propre, bien agencé, les feux rouges pépient des cris d’oiseau pour aider les aveugles mais c’est mort, il n’y a pas d'aveugles, pas de sourds, en fait il n'y a personne dans les rues, juste quelques voitures qui passent furtivement, sans se retourner. Nous dînons pour un prix dérisoire dans une cantine mexicaine désertée. Est-ce la crise économique ou bien simplement la vie normale dans ce genre de bled ?
Je raccompagne ma cliente dans la chambre où nous débriefons rapidement ce premier jour “improvisé” et convenons que la chance de voyager dans des lieux aussi sublimes doit nous rendre
modesto et tolérants vis à vis de ceux qui ont la (très) mauvaise idée de faire pareil que nous. Ma cliente me félicite pour mon excellente gestion de la journée et s’endort pendant que je vide les photos dans l’ordinateur, fait un backup, vérifie les mails, jette un œil sur les itinéraires possibles pour demain tout en me disant que, maintenant, je travaille sans filet...
les photos