8 septembre
…le déluge…
La mission du jour, 330 km, est de rallier la vallée de la mort et d’y survivre.
Death Valley, c’est la région aride par excellence, le désert inhospitalier où les températures extrêmes nous attendent, les corbeaux sont gros comme des chiens, engraissés par les touristes imprudents qui s’aventurent la fleur au fusil dans ces contrées hostiles.
Malgré un entrainement intensif sur la dune du Pyla, notre Sahara à nous, nous n’en menons pas large.
Nous prenons la route, la mort dans l’âme, les kilomètres défilent, nos yeux regardent sans cesse dans les rétros, nous savons d’où nous venons mais ne savons pas où nous allons.
Tiens c’est beau ça, faut que je le note.
Bref, à force de regarder derrière nous, nous ne voyons pas le temps passer et arrivons en fin de matinée à Lone Pine, dernière ville civilisée avant le néant.
Le GPS nous dit de tourner à droite, le panneau aussi, alors je tourne le volant avec la conviction que nous sommes dans la bonne direction pour aller voir les Alabama Hills.
Dépaysement garanti, on est loin des forêts et des lacs de Mammoth Mountain, ici c’est le désert qui commence, un désert couvert de monticules de rochers aux formes plantureuses.
Un décor de far west pour un site qui aura vu de nombreux westerns tournés dans ce cadre naturel.
Moi et Sophie, pause café dans les Alabama Hills
Là, nous délivrons un enfant enfermé dans un enclos, il a la force de nous indiquer la direction des toilettes.
A tout moment, on s’attend à voir surgir une diligence poursuivie par des despérados aux mines patibulaires.
Il fait chaud, très chaud même, mais nous tentons quand même une sortie pour aller renifler le site, s’imprégner de cet atmosphère westernique, ben oui pourquoi pas ?
celle la c'est obligé de la mettre, tout le monde y a droit
le requin des alabama hills
Nous remontons dans la voiture avant d’être complètement desséchés , et nous nous accordons un dernier repas avant d’affronter la route de la mort.
Il est plus que prudent de compléter le plein d’essence même si il y a quelques stations, deux, au beau milieu de Death Valley.
Le plein est fait, à ras bord, je donne quelques coups de pieds dans les pneus, la pression est correcte.
Je remonte le bord de mon chapeau et m’essuie le front de mon foulard tout en mâchonnant mon cigarillo.
Les yeux bleus acier rivés sur l’horizon, je suis inquiet, un corbeau vole sur le dos, ça sent le mauvais présage. Micah où es tu ? Le ciel se couvre au loin.
Prenant mon courage à deux mains, je crache mon cigare et m’envoie une large rasade de whisky. Je suis prêt à affronter cette longue route interminable.
Nous sommes seuls sur cette route, le paysage désertique défile sous nos yeux, un coyote affamé nous poursuit un temps et s’écroule essoufflé, Sophie filme, moi je garde les mains sur le volant imperturbable mais je m’endors, une bonne lampée de whisky remédie au problème.
Nous passons Panamint Valley
Puis la route, qui semblait aller se fracasser au pied des montagnes pelés, s’élève irrémédiablement et sinue au milieu d’un décor parfois étonnant de couleur dans ce paysage monochrome.
Après une longue ascension, la route redescend , rassurant non ?
Mais je ne laisse pas distraire, je ne quitte pas des yeux le tableau de bord, pression des pneus ok, pression d’huile ok, température moteur ok.
Finalement il n’y a que la température extérieure qui ne cesse de monter dans les vallées, 36°, 38° 40°. Il fait chaud, j’ai peur que les pneus fondent sur l’asphalte chauffé à blanc, je m’envoie une nouvelle rasade de whisky, ça va mieux, la clim, elle, commence à suffoquer.
Nous arrivons à Stovepipe Wells, et faisons une petite halte, histoire de reposer les chevaux vapeurs de la Jeep, il fait très chaud, 41° et nous nous désaltérons d’une bonne goulée de whisky tiède au milieu de cette bourgade constituée d’un hôtel, d’un general store, d’une station essence et d’une caserne de pompier.
C’est marrant mais nous ne ressentons pas le besoin de flâner plus longtemps, faut dire que les semelles des chaussures commencent à fumer.
Quelques minutes plus tard, nous nous arrêtons de nouveau pour voir les dunes de sable.
Certaines personnes s’aventurent sur le sable, Sophie préfère rester dans la voiture pour profiter de la clim, je sors courageusement pour faire quelques photos et reviens vite me mettre au frais. L’air est à 43°, un air brûlant qui vous cautérise les amygdales en quelques secondes, j'ai eu chaud, j'ai besoin d'une bonne rasade de...
Après trois ou quatre douzaines de kilomètres, nous arrivons enfin à Furnace creek ranch, notre auberge pour cette nuit.
Nous prenons possession de notre chambre, n° 202 à droite en entrant, donc pas loin de l’accueil.
C’est un petit bungalow coupé en deux, donc 2 chambres mitoyennes, et la bonne surprise, c’est qu’il y a une clim moderne beaucoup plus silencieuse.
Il n’est pas très tard, vers les 16 heures, et Sophie décide d’aller faire les lessives. Mais c’est que ça peut durer longtemps la lessive, pendant ce temps je vais faire un tour, prends quelques photos des lieux et tombe sur le thermomètre à l’entrée. Je sentais bien qu’il faisait chaud.
Pour les malvoyants, je précise que le thermomètre affiche allègrement les 46°
Je retourne voir mon épouse à la laverie, ce n’est toujours pas fini et je commence à craindre pour aller faire Artist drive avant le coucher du soleil.
Nous ramenons enfin le linge à la chambre, et je sors jeter un œil sur le ciel qui devenait de plus en plus mençant.
Horreur et damnation, par endroit ça vire même couleur encre.
Micah, le breton est en train de barboter dans la piscine, je le saurai après et je pressens que le ciel va nous tomber sur la tête.
Quelques minutes plus tard, c’est le déluge.
Super pour un des endroits les plus secs du monde.
Il tombe des cordes, que dis je, des seaux, je surveille bien à l'abri sous le auvent, l’eau ruisselle de partout, je souris en voyant courir des baigneurs, la serviette sur la tête en guise de parapluie.
L’eau monte dangereusement, nous sommes prêts à évacuer et puis l’orage s’éloigne pour aller mettre le souk ailleurs.
Le calme est revenu, il fait toujours aussi chaud, on se croirait dans une étuve.
Il ne reste plus qu’à aller prendre l’apéro puisque la nuit tombe, et nous ne sommes pas les seuls, tous les touristes se dirigent vers les restaurants et il y a beaucoup de français.
Nous choisissons le saloon pour nous restaurer, et c’est dans ce lieu de perdition, avec beaucoup de flair que nous finirons par débusquer un sunsetteur breton, le célèbre Micahbzh et sa charmante sœur.
Nous parlons un peu de nos parcours, moi avec sa sœur et lui avec Sophie.
La pauvre est au bout du rouleau, son frère lui fait grimper les montagnes au pas de course, des randonnées de plusieurs jours faites en 8 heures. Je compatis parce que c’est loin d’être fini.
Bon j’exagère un peu, mais elle avait quand même un peu mal aux jambes.
Ce soir nous ne ferons pas de veillée tardive, mais bien content d’avoir enfin rencontré Micah, un breton sympathique mais ne le sont ils pas tous ?
