Helendale-Newberry Springs = 70km
Café transitC’est en repartant du Elmer Long's Bottle Tree Ranch que nous découvrons un peu plus loin l’emblème de la route 66 sur le bitume. Forcément, nous sommes impatients d’immortaliser cela en photo et nous arrêtons lorsqu’il refait son apparition plus loin. On se gare un peu n’importe comment sur le bas-côté, mais à ce moment-là, l’excitation prend le dessus et seule la photo compte !
"If you're 555,then I'm 66...6 !"
Nous allons ensuite délaisser un temps la Mother Road, mais nous n’en avons pas fini avec elle aujourd’hui... Près de Barstow, nous rattrapons en effet l’I-40, axe routier qui est parallèle à la Route 66 jusqu’à Oklahoma City. Il est donc possible d’alterner entre les deux selon l’envie ou le timing (qui pour nous est déjà bien décalé...). Pour l’heure, direction Newberry Springs où se trouve le célèbre Bagdad Café, lieu ayant servi de décor principal au film allemand éponyme de Percy Adlon en 1987.
Ce motel / restaurant a toujours existé sous le patronyme Sidewinder Café, renommé « Bagdad Café » après le succès du film. Si cet endroit est aujourd’hui rattaché à Newberry Springs, il ne s’y trouve pas vraiment car autrefois était planté ici un village nommé...Bagdad. Après la restructuration du réseau routier américain dans la seconde moitié du 20ième siècle, la construction d’autoroutes aura coûté la vitalité de nombreuses bourgades qui bénéficiaient jusque-là du flux de passage sur les routes et nationales annexes. C’est ce qui arriva sur la Route 66 et pour Bagdad par exemple.
Un fond sonore de circonstance :
Pour en revenir au film, il nous raconte l’histoire de Jasmine, une touriste allemande abandonnée par son mari en plein désert de l’Ouest américain et qui échoue donc à Bagdad, au motel du Bagdad Café. Le lieu en question est à l’image du bled à l’époque : sur le déclin. Ce n’est pas le sujet principal du film, mais le revival du café qui y intervient plus tard nous montre par exemple que les routiers sont prêts à faire un petit détour et à quitter l’autoroute (que l’on aperçoit beaucoup plus souvent en arrière-plan que la Route 66) pour venir découvrir l’endroit. Un thème de prédilection, puisqu’aujourd’hui, c’est précisément le sort du Bagdad Café qui survit grâce à ses curieux visiteurs !
Le film se concentre lui sur la présence de Jasmine qui va redonner de la grâce au café et à de nombreux personnages excentriques, vivant ou errant ici comme une grande famille. Une sacrée galerie transcendée par un casting varié, de la teutonne Marianne Sägebrecht, à CHH Pounder en tenancière bornée (consacrée plus tard grâce aux séries Urgences et The Shield), en passant par le vétéran Jack Palance dans le rôle de Rudi Cox.
Un certain parfum de liberté enivre cette œuvre, qui 25 ans plus tard n’a pas pris une ride. La mise en scène inventive possède un cachet presque visionnaire pour l’époque, que l’on apparente typiquement de nos jours à un cinéma US indie florissant. A titre d’exemple et d’exercice de style similaire, les filtres de couleurs improbables, l’image triturée ou les ellipses de montage n’ont rien à envier ici au récent et remarqué Bellflower de Evan Glodell, made in California justement.
Pour info, ce Bagdad Café a remporté un grand succès en France l’année de sa sortie en 1988 et y a même remporté le César du meilleur film étranger l’année suivante. Le titre « Bagdad Café » concerne d’ailleurs uniquement notre pays, le film étant sorti partout ailleurs sous son titre original « Out of Rosenheim ».
Retour sur la Route 66 à Newberry Spings en début d’après-midi, à la recherche de cet endroit mythique. Nous avions glané l’adresse suivante pour le GPS : 46548 National Trails Highway, Newberry Springs 92365, mais cela nous emmène en plein carrefour paumé dans la pampa… Nous avons dû rater quelque chose mais nous continuons tout de même au bout de la route histoire de. Plus loin, toujours pas de Bagdad Café, je profite donc d’une espèce de grand parking désert pour faire mon demi-tour. Et coup de bol, devant quoi nous retrouvons-nous ici ? Le Bagdad Café ! Si vous rentrez les coordonnées suscitées en venant de l’Ouest, il faut donc juste continuer tout droit sur environ 2 kilomètres et vous arriverez à destination.
Premier constat sur place, où est donc le grand réservoir présent derrière le café dans le film et symbole de l’affiche ? Disparu ! La caravane de Rudi est bien là elle, mais fait un peu la tronche. Enfin, le motel crasseux quant à lui l’est encore plus aujourd’hui puisqu’il est tout simplement abandonné. C’est donc l’occasion d’aller le visiter ! Tiffany me laisse partir seul en exploration car dedans c’est le chaos : des morceaux de verre, des débris et des ordures partout. Je ne sais pas trop ce que je cherche, la chambre de Jasmine peut-être, mais en tout cas ce que je ne cherchais pas, c’était bien de tomber sur quelqu’un d’autre ! J’ignore s’il s’agit d’un touriste, de quelqu’un qui nettoie, d’un sans-abri ou d’un fan du film à la recherche d’une relique, mais je ne veux pas le savoir. Le gars est dans sa bulle, ne m’a pas vu, donc j’en profiter pour me carapater de là !
Sur le parking, il y a beaucoup de gens qui s’arrêtent, prennent quelques photos et décampent aussitôt. C’est un peu dommage de venir jusqu’au Bagdad Café sans y rentrer. Et même si nous n’avons toujours pas faim depuis notre brunch chez Denny’s ce matin, nous allons au moins boire un coup à l’intérieur, ma première Bud sur le sol américain !
Dans le café, le décor et la disposition ont bien changé par rapport au film, mais on reconnait bien les deux pièces.
Les murs sont entièrement ornés de fanions, banderoles, casquettes et nombreux messages laissés par les visiteurs de passage, beaucoup de français, comme la clientèle ce jour-là d’ailleurs.
Deux détails sur la photo ci-dessous, un billet de "sex" dollars, avec Bill Clinton dessus ! Et un autre de 10 Euros posé par Amélie machinchose de Secret Story, Les anges de la téléréalité, etc... Tiffany avait vu l'émission où elle accrochait ce billet au mur, donc voilà, super souvenir !
En fond sonore, le patron lance sur sa platine la chanson du film (« I’m calling you », proposée au début de mon post) dès que quelqu’un pénètre dans l’établissement. Les employés ne doivent plus pouvoir la supporter !!
Nous profitons de cette halte reposante pour écrire quelques cartes postales puis laissons bien évidemment à notre tour un petit mot sur le mur en cherchant tant bien que mal une punaise de disponible.
Un petit mot au mur...
...et un autre dans le Livre d'or !
L’arrivée d’un car entier de frenchies viendra rompre le charme, et la voix de Jevetta Steele ne suffira pas à couvrir le brouhaha. Le patron s’agite de partout et semble lui-même dépassé par la situation. De toute manière, il est temps pour nous de regagner notre Jeep rien qu’à nous. On réalise alors à quel point cela doit vraiment être une horreur de parcourir l’Ouest en voyage organisé ! Une amie qui le fera avec son homme le mois suivant nous le confirmera d’ailleurs… Vivre son propre road trip juste en couple, en famille ou entre amis, ça c’est la garantie d’en profiter à fond !Bref, contrairement à Jasmine dans le film, nous quittons définitivement le Bagdad Café et poursuivons donc notre route, vers l’Arizona cette fois !
LE FILM DU JOUR : Forcément, le film du jour ne risque pas d’être American Pie ou Kickboxer, mais bel et bien Bagdad Café, à voir ou à revoir !