JOUR 6 : Lake Powell/Antelope Canyon
Après avoir enchainés trois jours intenses, nous décidons de tempérer un peu le rythme de la voiture et optons pour une pause récréative sur le
Lake Powell en début de matinée et le Upper
Antelope Canyon pour l'après-midi. Nous partons de bonne heure pour attraper la croisière de 8H30. Nous avions pris la peine de réserver le billet la veille en arrivant, pour une formule initiative à 1H30 plutôt que les dissuasives beaucoup trop chères à notre goût. La promesse de voir
Antelope Canyon (du lac, pas celui des terres) nous suffisaient amplement. La satisfaction fut d'autant plus grande que c'était sans compter sur l'ennemi n°1 du voyage, le groupe de congénères qui voyage comme son nom l'indique en groupe. Un groupe a évidemment la caractéristique d'avoir un chef (Cf.
Bryce Canyon plus haut), il a également le défaut d'avoir un saltimbanque. Je pense que cela parlera à toutes celles et ceux qui ont eu à vivre cette expérience communautaire, imposée par des moyens plus que par choix, quoi qu'on en dise, en tout cas de notre point de vue. Pour celles et ceux qui n'auraient jamais vécu cette expérience, le saltimbanque d'un groupe se caractérise par une disposition à l'humour aussi fin que sa discrétion et sa voix fluette. Si vous aviez encore un doute, c'est celui qui fait rire une moitié de la gente féminine, qui en exaspère la moitié restante. Un croisement entre Jean-Marie Bigard (pas drôle) et un Dieudonné (drôle), ce que les X-files nommeraient un hybride.
J'aime mes compatriotes mais suis en couple avec une helvète qui m'a initié au regard critique sur les français à l'étranger. Sans faire aucune généralité, je dois avouer que notre Jean-Marie Dieudonné lui donnait raison sur le manque de discrétion notable de certains coqs, qui ne vous dépaysent pas du tout à coup de "Oh les gars, regardez Germaine, elle a pas digérée son escalope de la veille"... Nous louons donc l'organisation parfaite américaine qui nous propose une visite guidée avec casque en multi langues, qui ont eu la mérite de nous instruire en nous isolant de toute résonnance francophone. Je pense ne pas me faire trop d'ennemis ici puisque ce qui nous anime est par définition de construire notre voyage, donc je pense que c'est une analyse partagée par beaucoup d'entre nous.
La balade commence et nous profitons pleinement du lieu. Une première vue sur le Mont Sinaï, (tourné comme tel dans les 10 commandements) nous donne un avant-goût du voyage.
Quelques impressionnantes manoeuvres plus tard, nous entrons dans le canyon et découvrons des formes merveilleuses, où j'ai du voir le crâne de pirates des caraïbes, un visage de Star Wars, un lion sans compter le côté majestueux du lieu.
Ce jeu fut sans fin, et nous rappela un peu notre enfance à tenter de trouver des formes dans les nuages : moutons (level 0), tortue (level1) et ornithorynques (level psychiatrique). C'était la partie reminiscente Madeleine de Proust du récit.
Nous revenons à terre après une heure et demie de balade splendide que votre fidèle serviteur vous recommande chaudement. Au delà de la balade, elle développe votre sensibilité et votre sensualité a un tel point, qu'à peine débarqué du bateau, je constatais que l'air marin faisait se retourner la gente féminine locale, qui se me mit à harceler sur le ponton, la bouche ouverte, la bave aux lèvres. Ma chérie n'a pas remarqué tout de suite, c'eut été une vraie boucherie (poissonnerie plus précisément comme aurait pu corriger Franck Dubosc en référence à les Nuls dans la cité de la peur).
Nous rentrons sagement à notre nid douillet (red rock motel pour ceux qui ne suivent pas) avant de prévoir une visite vers
Antelope Canyon. Alors ici, cher lecteur, abandonne tout humour, je vous demanderais d'être à la hauteur du lieu et de ne lire ces quelques lignes qu'après avoir fait une introspection profonde sur vous-même.
Nous arrivons à 14H00, prêts à embarquer dans un 4x4 pour parcourir les 4km800 qui nous séparent de l'entrée de la cathédrale de pierre. le 4x4 arrive, nous montons dedans et là damned, en face de nous, des F R A N C A I S !!!!!!!!!!
Je me mets à suer à grosse gouttes non pas à cause de la chaleur mais bien effrayé à l'idée que Jean-Marie Dieudonné jaillisse de ce corps. Après trois bosses et un gros coup de sable dans le visage, point de blague grivoise, juste un sourire et une discrétion à la hauteur du lieu qui nous a profondément soulagé.
Les spécialistes avertis se diront intérieurement "ah oui, pas de doute, je vois les cheminées de l'usine des navajos au loin", flattant ainsi le talent du cadreur

)
Et là, ce fut une baffe gigantesque, car le mot cathédrale n'est pas à la hauteur du lieu. Une cathédrale est faite par des hommes, ce temple a bien été érigé par la nature. Après une balade de 30 mn dans ses dédales, je puis vous assurer que vous ne ressortirez pas tout à fait identique de l'autre côté de ce couloir.
Nous ressortons de l'autre côté, médusés par ce que nous venons de voir. Nous sommes dans le désert, vraiment secoués par cette visite mystique. Nous profitons de ce moment pour engager la discussion avec notre guide Navajo qui nous expliquera un peu mieux le fonctionnement de la nation Navajo. Nous avons ainsi appris que les enfants de ses frères et soeurs étaient également ses enfants, ce qui lui donnait l'impression d'avoir pas loin de 100 descendants. Il évoqua aussi la question des allocations versées par le gouvernement américain à ce peuple, sans doute pour effacer un peu le sang qui a beaucoup coulé à l'époque. Sans entrer sans plus de détails sur le sujet, cela pourra peut-être vous éclairer comme moi sur la violence de certains nords américains contre les natifs.
Nous capturons (un peu) son âme en le prenant (de loin) en souvenir de ce moment magique et cette conversation enrichissante.
Il y a peut-être un sentiment de vengeance derrière tout ça, car si nous lui avons volé son âme, lui nous a bien fait subir le "peeling navajo" et le "détartrage tribal". Oui, car les 4km800 de piste retour vous nettoient correctement les dents et la peau avec le sable chaud qui vous lacère le visage. Nous profitons de notre plénitude pour engager la conversation avec notre sympathique famille de français. Nous apprenons qu'ils viennent de Marne la Vallée, peut-être sont-ils des visiteurs assidus du site et se reconnaîtront-ils ?
Bonne nuit à vous avec je l'espère des étoiles (américaines) pleins les yeux.