Première journée de la descente du Colorado
7h15, nous déposons nos affaires “précieuses” (passeports, argent, cartes de crédit, etc…) dans un coffre de Tag-A-Long Tour pour ne pas les laisser dans la voiture en stationnement.
7h30, on monte dans un gros 4x4 tractant une remorque avec le bateau. Et là, très bonne surprise, on découvre que nous sommes les seuls “clients” de cette descente. En effet, en général c’est plutôt une vingtaine de personnes répartis sur deux gros bateaux. Ça reste bien mais l’ambiance n’est évidement pas la même qu’à quatre (le guide, profitant de cette opportunité, a invité un copain du Montana à venir avec lui). Du coup, le bateau est plus petit ce qui devrait donner plus de sensations lors des rapides.
Une demi-heure plus tard, on arrive sur une berge du Colorado où il y a une rampe pour mettre le bateau à l’eau.
On dit au revoir au chauffeur qui nous amené et on embarque. On s’installe du mieux qu’on peut sur les boudins et, en silence - à part le bruit feutré du moteur qui n’est pas poussé au maximum puisqu’il sert avant tout à se diriger dans le courant - on se laisse glisser sur l’eau. Au début, la rivière laisse voir le paysage puis, peu à peu, les rives se redressent, on rentre dans un canyon. On n’en sortira que deux jours et demi plus tard. A partir d’ici, il n’y a plus aucun accès terrestre à la rivière, aucun secours possible hormis par bateau ou par hélicoptère (sous réserve que la communication radio arrive à passer dans le canyon). Pendant que le paysage défile, que des groupes d’oiseaux nous dépassent parfois en criant, une certaine sérénité envahit nos esprits, la paix emplit nos cœurs…
Bon, ok, j’en vois parmi vous qui s’impatientent et qui voudraient qu’on saute directement au chapitre où on perd à nouveau une paire de lunettes. A ceux-là je répondrai : est-ce que vous pensez sérieusement qu’on a embarqué le Kia Sorento sur le bateau ?!
Vers 10h on fait une première étape sur la berge pour un arrêt pipi et une mini exploration de la flore. Notre anglais est limité mais on s’en sort tant bien que mal, d’autant que Ben, notre guide, parle quelques mots d’espagnol.
Un peu avant midi, on s’arrête à nouveau pour un délicieux pique-nique fait de tacos roulés en cornet que Ben remplit avec une salade composite faite sur place vraiment bonne. Le bateau transporte tout ce qui nous est nécessaire et bien sûr de la nourriture et des boissons (eau comprise) pour trois jours. La nourriture n’est pas cuisinée à l’avance, tout est fait au fur et à mesure et autant le dire tout de suite, c’était excellent.
On repart.
Vers 15h, soudain le silence. Le moteur s’est arrêté, on dérive au gré du courant qui nous pousse vers une berge escarpée. Ben saisit une longue barre métallique et essaie d’éloigner le bateau. Puis il tire plusieurs fois sur le démarreur du moteur, sans succès. Il reprend la barre pour éloigner à nouveau le bateau de la berge et retourne au démarreur. Rien à faire. Il essaie alors de trouver un endroit où coincer le bateau les quelques dizaines de secondes nécessaires pour l’arrimer avec une corde avant que le courant ne l’emporte à nouveau (ce qui implique que cet endroit ait aussi un point d’arrimage, souche d’arbre, rocher, etc…). Si quelqu’un saute sur la berge avec la corde et qu’il n’arrive pas à arrimer le bateau il sera obligé de lâcher la corde et il n’aura peut-être plus la possibilité de nous rejoindre (et nous on continuera de dériver… hum). La tension monte. Ben arrive finalement avec sa perche à diriger le bateau sur un coin où il pourra rester bloqué quelques secondes, le temps nécessaire à Dave pour sauter à terre et enrouler la corde autour d’un gros rocher. Ça craque de partout mais ça tient. Ouf !
Mais tous ces tiraillements sur le bateau libèrent un sac qui était mal amarré et qui part sur l’eau en dérivant. On crie
“Un homme à la mer !” “Un sac est tombé !”. Voyant que le courant à l’endroit où on est ramène périodiquement le sac vers la berge, Dave court en faisant un certain détour car la berge est assez escarpée en aval et quelques minutes plus tard arrive à se saisir du sac ! On souffle un bon coup puis Ben se met au travail. Objectif : réparer le moteur. Il commence à démonter quelques pièces, à mettre de l’huile (ou je ne sais quel mélange deux temps) et, de temps en temps, il réessaie de démarrer, toujours sans succès. En parallèle, je le vois sortir d’une caisse une espèce de téléphone radio et toutes les 5 minutes il essaie d’établir une communication mais ça ne marche pas. Avec le plus grand calme, il décide alors d’installer le moteur de secours (voir photo à 15h32) ce qui lui prend presque 30’ car tout ça est bien lourd à déplacer sur un bateau instable, de plus la buse d’alimentation n’est pas la même entre les deux moteurs.
Finalement, tout est remis en ordre, le moteur en panne bien arrimé à la place de l’autre, et le nouveau a accepté de démarrer après plusieurs tentatives infructueuses. Pour bien comprendre à quel point cela aurait pu être bien plus compliqué pour accoster et s’arrimer, il suffit de regarder la photo suivante :
C’est vers 17h qu’on arrive à notre étape du soir : une belle plate-forme rocheuse avec une petite colline broussailleuse au pied de la paroi pour installer notre tente. Malgré l’énergie mise en œuvre suite à l’incident de tout à l’heure, Ben et son ami ne chôment pas : pendant qu’on installe notre tente un peu plus haut après les avoir aidé à décharger tout l’attirail nécessaire à l’étape, ils installent la table, la cuisinière à gaz (4 feux !), tirent un tuyau jusqu’à la rivière afin qu’on puisse avoir de l’eau pour la vaisselle avec une pompe à main et installent aussi, dans un endroit à l’abri des regards, les wc ! Oui, une espèce de container : on retire le couvercle métallique hermétique quand on l’installe (on met une lunette à la place) puis on remet en place le couvercle hermétique quand on repart.
En effet la règle est simple : il ne doit rester aucune trace de notre passage : même les cendres et bois calcinés du feu de camp du soir seront emportés sur le bateau. On nous demande également de faire pipi dans l’eau, pas sur terre (Marcia est exemptée). C’est à cette condition que les rares lieux de bivouac sur la rivière restent vierges de toute dégradation. Puis Ben se lance dans la préparation d’un bon repas qui nous fait oublier les émotions de l’après-midi et il va même faire un gâteau cuit au feu de bois pas si mal que ça.
Pendant qu’on se raconte des histoires autour du feu, isolés du reste du monde, le soleil se couche, donnant de belles couleurs à la roche. Cette soirée est tout simplement géniale. Puis vient l’heure de rejoindre notre tente où, chaudement emmitouflés dans notre duvet car le froid s’installe, on se prend doucement à rêver de lunettes de soleil par milliers...
les photos