Jeudi 24 avril 2014
Au royaume des slots canyons
”QUI a dit family friendly hike ???"
Pas de départ aux aurores quand on séjourne au Rainbow Country B&B : le matin, on fait bonne chère ! :P
Catherine est aux fourneaux, elle arbore un splendide tablier portant la mention « I’m not aging, I’m maturing ».
A table avec nous, Martha et son ami (que nous appellerons « Bob » pour les besoins de l’histoire, j’ai oublié son prénom).
Pendant que Catherine nous régale de pumpkin pancakes et d’œufs brouillés aux légumes et au jambon la conversation porte sur un sujet qui nous tient à cœur : pourquoi des gens se sont-ils installés dans cette région peu fertile ? On discute donc bétail, difficultés rencontrées par les éleveurs face aux zones de plus en plus restreintes dans lesquelles peuvent paître leurs bêtes…en effet il doit s’agir de « private land » en opposition au « governmental land ».
Trainant à saisir que pour beaucoup d’américains, « governmental » = « public » = « all american »= « tout le monde, homme comme vache, devrait pouvoir y accéder selon son bon vouloir », je déclenche sans le vouloir une diatribe de Clarke (époux de Catherine) qui maugrée depuis son fauteuil. Oups…
Martha m’explique qu’elle va partir camper pour une durée indéterminée avec un groupe de femmes (portant le même nom qu’une organisation terroriste des années 60, intéressant). Comme « Bob » n’est pas une femme, il ne peut pas venir, logique. Du coup il restera au Rainbow B&B jusqu’à l’arrivée de son cousin (à une date indéterminée) avec qui il partira vadrouiller (pour un temps indéterminé).
Ouf, pas de boulette en fait, c’était juste…compliqué comme réponse.
Martha travaille dans l’environnement. Elle rebondit sur le lien entre bétail et territoire (ouf, Clarke doit s’être endormi dans son fauteuil, il ne réagit plus) et nous explique l’intérêt du déplacement des troupeaux qui remuent ainsi les graines présentes sur le sol (il faut cependant faire attention aux zones de végétation, afin de ne pas mélanger graines des montagnes et des plaines par exemple, ce qui perturberait les écosystèmes). J’apprends que le troupeau est guidé par une vache de tête, la « vache baby-sitter » qui ramène tout le monde à bon port…marrant !
10 jours plus tôt dans le Nevada, un éleveur en bisbille avec les autorités (Clarke remue dans son fauteuil…) car il faisait paitre sur une terre gouvernementale son troupeau, affirmant qu’elle appartenait en fait à sa famille depuis le XIXè siècle, avait organisé un sit-in. La majorité des participants était lourdement armée. Eh bé…
Il est temps de prendre la route. Nous repartons sur la Hole in The Rock Road. Ça couine, on croirait rouler sur des nids d’oiseaux habités, l’horreur !
Embranchement vers les slots canyons : la piste se fait moins roulante. Je descends plusieurs fois écarter des pierres (au grand désespoir de M Pizza je ne suis pas vraiment efficace…je m’escrime à virer des cailloux tandis que lui me désigne désespérément les gros blocs que je n’avais pas remarqués...
Au parking de Dry Fork, nous rencontrons un photographe qui nous met en garde contre les rattlesnakes. Or M Pizza a la phobie de ces bestioles !
Autant dire qu’on entame la descente dans un état d’esprit mitigé (M Pizza maugrée et je lui rappelle sèchement qu’on est dans l’Ouest américain, va trouver un secteur dépourvu de serpents !).
Une flopée de cairns nous guide vers l’entrée de Peek-a-boo.
Moui.
La montée n’est quand même pas évidente évidente.
Je me hisse, je glisse…M Pizza finit par me pousser, me voilà en haut. Je lui lance une corde (prise aucazou) pour l’aider à me rejoindre.
Nous y sommes…et c’est splendide !
En plus l’heure (11h) est idéale en termes de lumière.
Les premiers mètres du canyon sont magnifiques, les arches se succèdent et nous passons en leur cœur. La progression est très amusante, on se glisse le long de la roche, il faut parfois se hisser ou au contraire se faufiler dans un trou…j’adore !
Seul bémol, l’obligation d’être extrêmement prudent aux endroits où l’on met ses mains : ce serait couillon de se faire piquer par un scorpion ou mordre par un serpent, non ?
Arrivés devant un passage très étroit, nous le contournons en hauteur par la droite puis reprenons notre avancée.
Nous croisons un groupe de touristes en visite guidée, bizarre de payer un guide pour venir ici…
Perles de pierre
Peu après le canyon s’élargit, nous voilà au bout de Peek-a-boo.
Nous sortons du canyon et partons à la recherche de son compère au nom de pizza de chez Escalante Outfitters (à moins que ce ne soit le contraire…). Des cairns nous guident entre dunes de sable et buissons s’ancrant vaillamment dans le sol. Certains sont en fleur, touches de blanc et de rose qui égayent le parcours.
Bientôt nous atteignons l’entrée de Spooky aux parois plus striées mais aussi plus ternes que son voisin. Serons nous autant conquis ? (Enfin, surtout moi, car entre les contorsions et les supposés serpents, M Pizza est beaucoup moins emballé par Peek-a-Boo que moi).
Les couleurs sont moins vives que dans Peek-a-boo mais la roche offre une autre curiosité : des perles (de boue ?) qui affleurent, parfois agglomérées en de longues striures.
D’abord aisée, la progression devient rapidement plus complexe : les parois se rapprochent en un couloir étroit qui descend.
Ça râpe un peu mais ça va. J’entends quand même des grommellements dans mon dos : M Pizza trouve qu’entre la montée initiale de Peek-a-boo, les risques de piqures et morsures, la gymnastique et maintenant en plus l’étroitesse des lieux, je lui ai un peu monté un guet-apens en lui vendant la balade comme une promenade facile.

Je me justifie en lui rétorquant avoir lu partout l’expression « family friendly hike » !
C’est VRAIMENT par ici ???!
Nous grimpons sur des blocs qui obstruent la voie et…arrivons en face du vide. Ha. Comment faire ? Nous tâtonnons, farfouillons, et trouvons finalement un trou sur la gauche. Je m’attache la corde autour de la taille à tout hasard et me glisse dans cette fente, me colle à la roche et m’engage vers l’inconnu (ouais c’est pas comme si des milliers de personnes passaient par là chaque année hein)
Ouaiiiiiiiis ben en fait c’est vachement haut ce truc ! Comment ça se descend ?
Assise au bord du gouffre vide, je tergiverse, je cogite, je repousse le moment.
Soudain, un bruit : on entend des voix qui viennent vers nous ! Mon sauveur apparaît alors, sous la forme d’un homme d’une soixantaine d’années, tignasse déjà blanche mais forces intactes : d’une main secourable, il m’aide à me glisser jusqu’au sol du canyon.
Puis ni une ni deux, en trois contorsions et une poussée sur les bras le voilà en haut. Ouah !
Sauf que…il n’est pas seul ! Sa femme, qui avait un peu de retard, arrive à mon niveau, stoppe net son avancée et regarde d’un air effaré la paroi qu’elle est sensée gravir. Le désespoir se lit dans ses yeux…Mon sauveur, conscient de la détresse de sa bien-aimée, redescend dare-dare et examine la situation : ça va être coton de la faire grimper !
Je lui fais alors remarquer que nous avons une corde !
Les rôles s’inversent et nous devenons les héros du moment. Monsieur grimpe à nouveau, Madame se passe la corde autour de la taille et c’est parti…
…ou pas.
Malgré l’aide de son époux, l’ascension est difficile…
On s’y met donc à trois et entre son mari qui tire la corde et moi qui la pousse d’en bas, elle atteint bientôt les mains tendues de M Pizza qui la hisse à son niveau.
Je manque éclater de rire quand entre deux halètements, je vois Madame lancer d’un ton acerbe à son époux « …family friendly hike…family friendly hike !!! ». Je savais bien que je ne l’avais pas rêvée cette expression !
Nous discutons quelques minutes puis reprenons chacun notre route.
Spooky l’étrange porte bien son nom : nous progressons lentement entre les parois très étroites d’où émergent de multiples pierres.
A un moment nous descendons une sorte de petit toboggan de roche…et tombons nez à nez avec un type dont nous interrompons la course ! Rencontre brève mais intense, après avoir obtenu mon accord il me prend en photo (m’éblouissant avec son flash) afin d’obtenir une preuve de l’échelle du canyon, puis repart aussi vite qu’il est arrivé, sac à dos en équilibre sur la tête…surprenant !
Peu à peu le canyon s’élargit, la progression se fait plus aisée et nous rencontrons d’autres marcheurs. Sans doute beaucoup de gens font-ils demi-tour au moment où les parois se resserrent.
Certaines rencontres sont…surprenantes !
Une fois sortis du canyon nous décidons de nous installer le long de la haute paroi qui fait face à l’entrée pour la pause pique nique (meilleur souvenir de la journée pour M Pizza selon ses dires

).
Puis nous nous rendons au 3è slot canyon, Dry Fork.
Il présente moins d’intérêt que ses deux compères : plus large, plat, on y avance sans difficulté.
Cependant les parois claires ont leur charme et un passage un peu étroit permet de faire les singes, et ça j’aime !
Arrivés à l’autre extrémité de Dry Fork nous sommes entourés de dunes de sable, de roches effritées et de buissons.
Nous rejoignons la voiture en ligne presque droite (on voit le parking d’ici).
Nous reprenons Number Three, avançant au pas jusqu’à la Hole in The Rock Road. Nous roulons d’une traite jusqu’au moment où nous repérons une voiture en panne au bord de la route. Pouvons-nous être utiles ? Le conducteur m’explique que nous ne sommes pas les premiers à nous arrêter, un autre automobiliste est déjà à ses cotés. Nous remarquons alors la présence d’un gros petit bonhomme rougeaud et jovial, portable à la main : il contacte le dépanneur.
Nous discutons un peu des slots canyons du secteur, et apprenons avec stupéfaction que le petit a parcouru Spooky d’un bout à l’autre dans le sens « ascendant », sans aide extérieure !
De retour sur l’US 12 nous décidons de mettre à profit la fin d’après-midi pour aller tremper nos pieds dans l’Escalante. Nous la longeons pendant un peu plus d’une heure, traversant à plusieurs reprises le cours d’eau.
La promenade sous les arbres, dans un décor de falaises rouges, est agréable mais pas inoubliable. Un IVNF (insecte vrombissant non identifié) garde jalousement un territoire bien déterminé ; il nous escortera sur la même zone de buisson, au mètre près, à l’aller comme au retour.
Nouvelles pauses incontournables sur la scenic byway : on ne s’en lasse pas !
Conquis par l’atmosphère et la nourriture d’Escalante Outfitters, nous y retournons ce soir pour prolonger le cannibalisme : dans la famille Pizza, je demande une King Mesa pour deux, à nouveau un régal. :P
Toujours pas de place pour les desserts et Dieu sait qu’ils étaient pourtant alléchants…
Nous achetons un magnet souvenir puis regagnons le B&B et notre jolie Desert Garden Room pour la nuit.