Dimanche 20 avril 2014
Along UT-95N
D’Irlande en Egypte
Cette année c’est décidé, nous mangerons BIEN. En conséquence, j’ai prévu les étapes culinaires du périple avec soin. :P Après les délicieuses frites d’hier, nous avons au programme un petit-déjeuner du tonnerre au Peace Tree Juice & Café.
Attablés devant un menu « Wake Up » aux allures classiques d’English breakfast, et un plus original « Green Eggs & Ham » composé d’œufs brouillés au pesto, d’épinards, de jambon et de pommes de terre rissolées, nous savourons chaque bouchée dans l’ambiance douce de ce petit café-boutique.
Notre étape du jour est Caineville, aux portes de Capitol Reef. Nous avions découvert la route reliant Moab à ce parc par le nord l’an dernier, cette année nous passerons donc par le sud.
La route UT-95, pas forcément la plus connue du secteur, est présentée par ceux qui l’ont empruntée comme étant spectaculaire.
Nous traversons la petite ville de Blanding posée au pied des Abajo Mountains, puis arrivons très vite en vue de Comb Ridge. Impossible de louper l’endroit, passage traversant de part en part la falaise, coupé net comme au couteau.
Notre première destination se trouve non loin de là, sur la Cigarette Spring Road. Nous roulons sur la piste de terre d’un bel orange qui s’enfonce dans un paysage de buissons et de petits arbustes verts. Rien n’indique la présence d’un canyon…
Une fois Number Three garée, nous empruntons le petit sentier qui s’engage dans cette végétation dense de résineux et d’herbes. Nous entamons une descente en pente douce dans Road Canyon, où sont nichées certaines des ruines indiennes les plus emblématiques du Sud-Ouest. Longeant le wash pendant environ 30 minutes, nous sommes agréablement surpris par la beauté du chemin, jamais vantée dans les récits que j’avais consultés pour préparer le voyage. Entre vert de la végétation et rouge, blanc et jaune des étendues de slickrock, nous nous sentons petits poucets au fond de ce joli canyon qui nous coupe du monde extérieur.
Après avoir passé un gros hoodoo, point de repère bien pratique, nous grimpons en direction de la ruine située au-dessus de nous. Si je n’avais pas eu connaissance de son existence, je ne me serais jamais doutée de sa présence!
La montée est amusante et le spectacle final vaut son pesant de dollars : Fallen Roof Ruins, selon le nom que lui donne Laurent Martres, est une petite merveille. Le soleil n’a pas encore gagné les lieux, je suis ravie : c’est idéal pour la photographie.
Nous profitons tranquillement des lieux, admirant la finesse du plafond, les étranges formes qui s’y dessinent, les empreintes de main…
Un ptérodactyle!
Trois randonneurs viennent rompre notre solitude : nous les saluons et leur laissons les lieux, faisant demi-tour sans nous rendre aux ruines suivantes : d’autres curiosités nous attendent le long de la Bicentenial Highway.
Après cette promenade qui nous aura pris deux heures, nous regagnons la route.
Les paysages sont splendides : nous longeons une faille, de grands monolithes rouges mangés de végétation, et toute une palette de couleurs dans ce milieu minéral.
Nous suivons White Canyon , spectaculaire déchirure dominée par plusieurs formations surprenantes dont Jacob’s Charir et Boxcheese Butte, sorte de cloche à fromage géante.
Bientôt nous arrivons au niveau de Glen Canyon. Peu après Hite, un arrêt s’impose afin d’admirer la vue sur le Colorado en contrebas.
The Lone Tourist
L’arrêt suivant est Hog Springs’Picnic Area. But premier de cette pause : se remplir la panse. L’endroit s’y prête puisqu’il est équipé de tables de pique-nique. C’est mignon comme tout, en bord d’une petite rivière qui glougloute paisiblement à nos pieds.
Par contre on ne s’attarde pas...
...une attaque de moucherons nous oblige à décamper, terrassés par le nombre…
Seconde raison de l’arrêt : admirer Cléopatra, pétroglyphe anthropomorphe du même style que ceux de la Great Gallery du Maze. Comme nous n’irons sans doute jamais voir ce dernier, Cléopatra nous parait un excellent lot de consolation…
…sauf qu’on ne le trouvera jamais.
Nous avons ensuite rendez-vous avec un slot canyon au nom qui ne sonne pas très « couleur locale » : Leprechaun Canyon. Nous ne sommes ni qualifiés ni équipés pour une longue exploration (il devient vite technique) mais nous comptons en découvrir les premiers mètres.
Le ciel fait grise mine quand nous nous engageons dans le wash. Les photos ternes ne rendent donc pas hommage à la beauté des lieux. Les passages de marche dans le sable ne sont pas très folichons, et nous n’osons pas nous écarter de la piste pour rejoindre les étendues rocheuses adjacentes.
J’avais lu que la première fente était difficile d’accès du fait de son étroitesse et qu’il valait donc mieux la contourner par la droite, pour gagner la partie plus large du canyon située entre de grandes falaises.
Aussi quand nous passons une fente très sombre et étroite (dans laquelle je me demande comment on peut bien passer), je pense avoir atteint le premier passage référencé.
Nous le contournons donc docilement et nous engageons tête baissée dans la faille suivante.
Sauf que…aucune falaise en vue…au contraire ça rétrécit dangereusement ce truc!
Très rapidement nous en atteignons la fin : on voit l’extérieur au-dessus de nos têtes mais les pentes sont lisses, le passage étroit et en montée. M Pizza veut faire demi-tour, pas moi. Me voilà donc à appuyer le dos sur une paroi, les pieds sur l’autre, et en avant pour une montée en opposition. Je m’amuse comme une petite folle! M Pizza beaucoup moins quand vient son tour, mais il y arrive lui aussi. Il faut bien reconnaître qu’on manque d’entraînement!
I did it!
Bon, et derrière alors ? Encore un bout de wash et enfin…l’entrée monumentale de la partie accessible de Leprechaun, gardée par un imposant cube de pierre.
Là il n'a l'air de rien mais attendez de voir plus loin.
Du coup je commence à me demander si la partie que nous venons de traverser ne correspondait pas en fait au passage étroit qu’il était possible d’éviter…toujours est-il qu’il m’a bien amusée.
Cette fois c’est sûr, nous voilà dans le grand hall caractéristique des lieux : bonjour, Leprechaun Canyon !
Bien vite le passage se fait plus sombre et s’étrécit. Je parviens à monter en opposition, et examine le chemin qui se poursuit vers la droite. Cependant la montée me semble difficile, et je ne parle même pas de la descente sans corde…nous faisons donc demi-tour.
Le coin est encore plus tranquille que Road Canyon où nous avions quand même croisé trois marcheurs; dans Leprechaun nous n’aurons vu…
Qu’une chaussette!
Le p'tit rocher de tout à l'heure
Nous nous en retournons via le slickrock, toujours sous la grisaille : le soleil ne sera pas venu illuminer ce petit bout d’Irlande…
L’UT-95 cache bien d’autres merveilles, dont nous aurons encore le temps d’en découvrir une aujourd’hui: Little Egypt, sorte de Goblin Valley miniature.
Une Pizza est cachée sur la photo, essayez de la trouver!!!
Toujours pas de soleil quand nous arrivons. Qu’importe, je ne boude pas mon plaisir et m’élance à la découverte des lieux, curieuse de contempler de plus près ces hoodoos aux formes étranges.
Un lapin
Quel dommage tout de même d’avoir ce plafond blanc…en regardant les traînées nuageuses, je me rends compte qu’entre elles et le sommet de la falaise qui fait office d’horizon, une mince ligne de ciel est dégagée : d’ici un petit quart d’heure, nous devrions donc avoir droit à quelques minutes d’ensoleillement! Mais au vu de l’étendue du site il est difficile de choisir quel endroit privilégier. Je finis par jeter mon dévolu sur une succession de hoodoos qui, groupés dans un coin, semblent être sous la surveillance d’un de leurs congénères au long chapeau plat. Ne reste plus qu’à attendre…
Quand soudain la lumière de la fin de journée envahit les lieux, que c’est beau!
Pendant quelques minutes le lapin de Pâques et ses œufs, les deux bonhommes dos à dos, le couple qui s’embrasse et tous les autres rochers qui ne m’ont pas évoqué une forme précise s’illuminent.
Je suis ravie de cette brève période de soleil, même si le délai très court ne m’aura pas laissé le loisir de prendre autant de photos que je l’aurais souhaité. M Pizza gardera bien en mémoire cet épisode car j’aurai droit à une réflexion fort à propos lors de la réalisation du carnet:

Nous rejoignons Hanksville puis Caineville et notre motel « habituel », le Rodeway Inn Capitol Reef que l’on retrouve avec plaisir. Cette année point de « mormone de l’accueil » mais un homme fort gentil, avec lequel nous bavardons quelques minutes. Il s’excuse encore et encore de nous obliger à devoir régler séparément l’hôtel et les plats surgelés. Je viens enfin de parvenir à l’apaiser quand M Pizza, qui n’avait pas suivi la conversation car occupé à choisir son plat, met les pieds dedans : me voyant fouiller mon portefeuille à la recherche des cents donnant le compte rond sur les deux piles séparées, il s’étonne tout haut « ben…pourquoi tu ne paies pas tout ensemble ??? ». Heureusement que le patron ne comprend pas le français!
Nous prenons possession de notre suite –les chambres font la taille d’un deux pièces dans cet hôtel- et dévorons notre repas. M Pizza est emballé par les spaghettis Marie Callender, plat qu’il trouve - toutes mes excuses Legibus

- plus concluant que les macaronis Stouffers de l’an dernier (ah oui ça y va fort les comparaisons gastronomiques…). On toque à la porte : c’est le patron qui avait oublié de nous donner certaines informations ! Il est vraiment aux petits soins.
Nous nous endormons aux portes du pays de l'Arc en Ciel endormi...
