« Oublie que t’as aucune chance, vas-y fonce ! » : cette réplique culte est un crédo pour Fred Petit que nous sommes très heureux d’accueillir aujourd’hui sur Sunset. Fred est tétraplégique depuis 1991, mais avec son fauteuil roulant, il parcourt inlassablement le monde, et surtout les USA, prouvant qu’on peut réaliser ses rêves, malgré tout !

Jean-Christophe : salut Fred ! Comment est né ton amour pour les USA ? Pourquoi aimes-tu tant « aller faire crisser tes pneus là-bas » ?
Fred : salut JC ! Mon amour pour le sport et la musique m’ont très vite mené aux États-Unis. A 18 ans, je me suis offert une colonie de vacances aux States en ayant travaillé tout le mois de juillet. Quelques mois plus tard, ma vie a basculé suite à un accident, certains de mes objectifs notamment sportifs se sont effondrés. Étant d’un tempérament positif et battant, j’ai décidé de prouver à mes proches que la vie continuait malgré tout. Avec mon frère et des copains, nous sommes partis trois fois à New Orleans pour y passer la fête de Noël, c’était au milieu des années 90, j’avais tout juste vingt ans. Nous étions très souvent fourrés dans les clubs de blues à y siroter du Southern Comfort !! A cette époque, j’étais déjà à l’affût de tickets pour des matchs de football américain ou de basket universitaire. C’était déjà un « rêve » d’assister à des sports américains !

J’adore aller aux States parce que les paysages sont grandioses, les gens y sont agréables et puis l’accessibilité y est totale !! Pendant qu’en France, on recule les lois sur l’accessibilité d’année en année, aux States l’accessibilité est obligatoire…
Comment prépares-tu tes voyages aux États-Unis ? Quels conseils donnerais-tu à un voyageur en situation de handicap qui rêve des USA ?
Ces dernières années, j’ai voyagé en échangeant mon appartement. Plusieurs couples d’américains sont déjà venus chez moi pendant que j’étais chez eux. C’est un mode de voyage original et très appréciable financièrement. Dans ces conditions, je prévois toujours un roadtrip d’une bonne dizaine de jours et puis pendant trois semaines, je suis chez mes hôtes américains. Je vis à la locale, j’assiste à des matchs de sports américains, des concerts locaux ou des festivals. Je commence à avoir de bonnes connaissances sur certains coins de Californie, Floride et Arizona. En revanche, avant d’effectuer mon itinéraire, je lis certains sites spécialisés comme Sunset Bld, je fouine les bons plans et je recherche des petits festivals de l’artichaut ou de je ne sais quoi !! Pour réussir son voyage aux States, il faut travailler un minimum dessus. Les distances sont tellement longues. Tout est au bout de la rue… à 30 miles !!
Mon conseil pour une personne en fauteuil rêvant des States, ce serait « Vas-y les yeux fermés mais fais quand même gaffe où tu roules, un cactus est si vite arrivé » !!
Parles-nous de ton blog (Les Aventures de Fred Wheelchair). Au-delà de tes récits de voyage, il est truffé d’humour et on sent beaucoup ton attachement aux belles rencontres…
J’aime beaucoup écrire, discuter, débattre, raconter bref j’ai la tchache facile ! C’est assez simple pour moi de lier connaissance. Finalement, j’ai fait ce blog sans trop de conviction et puis je me suis pris au jeu de figer mes souvenirs. J’ai toujours été un amuseur. Il y a même des fois où je me fais rire tout seul en écrivant. Aujourd’hui, mon blog me sert de cartes de visite. J’ai besoin d’une aide extérieur pour me lever et m’habiller, je dois donc toujours chercher quelqu’un pour m’accompagner en voyage lorsque mes amis ne sont pas dispos. Grâce à ce blog, la difficulté de trouver quelqu’un pour m’accompagner n’est plus une difficulté. Ces dernières années, il m’est arrivé de partir avec des inconnues qui, à la fin du voyage, ne l’étaient plus.
Comment vis-tu ton handicap aux USA ?
Je vis mon handicap de la même façon qu’en France mais en sachant que tu ne seras pas exclu d’un lieu parce qu’il n’est pas accessible ! Ça change tout. Le handicap c’est dans la tête. J’ai pas l’impression d’être différent parce que je suis en wheelchair. Chacun dresse ses propres barrières, moi j’essaie de les repousser… que ce soit aux États-Unis ou ailleurs.

Est-ce à dire que les États-Unis t’apportent une bulle de liberté qu’il est toujours malheureusement compliqué de trouver en France ?
Oui, c’est une bulle de liberté de pouvoir parcourir les paysages de l’Arizona, Monument Valley, Joshua Tree, etc… Finalement à la fin de la vie, ce qui reste ce sont les souvenirs et c’est vrai que j’ai vécu de supers anecdotes là-bas… L’accessibilité y a joué un rôle majeur. En France, c’est plus compliqué, il faut malheureusement s’adapter. A force on s’habitue.
Mine de rien, tu as déjà beaucoup bourlingué aux USA. Quels sont les lieux, les gens qui t’ont particulièrement touché ?
Des lieux, il y en a beaucoup mais je crois que ce qui me marque le plus ce sont des moments. J’adore la région de Sedona, Monument Valley, Ocean Beach à San Diego pour son côté hippie, Bourbon Street des années 90 à New Orleans, le désert de Mojave, Manathan Beach à Los Angeles…


Il y a deux rencontres qui me viennent tout de suite à l’esprit. Celle avec Francky JahJah, un homeless de New Orleans qui me chante un gospel d’une demie-heure sur les bords du Mississipi !! Et dernièrement, j’ai rencontré Claude, un alsacien à la retraite vivant à Tucson dans l’Arizona. On a lié connaissance dans un bar de Sedona en septembre dernier. Début octobre, mon roadtrip passera encore par le Saguaro Park puisqu’il habite à dix minutes !! C’est une rencontre géniale arrivée par hasard.
Une anecdote marquante ?
La plus bizarre s’est passée au Lincoln Center de New York après avoir assisté à un concert de jazz. A la fin du concert, une dame vient m’expliquer que mon sourire l’a poussé à venir discuter. Elle a besoin de conseil et de positif dans sa vie car son mari musicien est sorti du coma avec des séquelles importantes dû à un accident de la route. Pendant une heure, je vais être dans la peau d’un psy à la rassurer sur la vie avec un handicap. Son mari présent sur place n’était autre que le pianiste d’un groupe de jazz influant de la musique à New York. Nous sommes restés en contact quelques années. Ma rencontre la plus marquante restera celle avec Yannick Noah également à New York. Elle est si longue à raconter que je conseillerai plutôt de la lire dans les rubriques « anecdotes de voyages » sur mon blog.
Tu vas repartir en septembre dans l’Ouest américain… qu’as-tu prévu ?
J’y serai pour un peu moins de deux mois dont un mois dans les cactus de Scottsdale en Arizona. Phoenix est à proximité, donc je vais faire le plein de basket NBA, hockey sur glace, football américain à la fac d’Arizona State. J’ai aussi prévu un rodéo à Wilcox dans l’Arizona début octobre, puis des festivals vont se greffer au programme (pour le moment les calendriers ne sont pas encore parus). Les quinze premiers jours du voyage, ce sera en formule roadtrip. Quelques jours à Los Angeles puis direction les canyons de l’Utah, un petit tour vers Durango et Silverton dans le Colorado, Monument Valley et Grand Canyon. A l’issue de mon échange d’appartement on partira quelques jours vers Palm Springs puis de nouveau Los Angeles pour redécoller mais aussi y revoir un match des Lakers !!
Souvent, sur ton blog, tu parles de l’idée de « se perdre », de couper le GPS… Pourquoi aimes-tu tant ce « lâcher-prise » quand tu es aux États-Unis ?
C’est vrai que j’aime bien couper le GPS, notamment dans les collines d’Hollywood pour y trouver de superbes points de vue. Lorsque tu ne sais pas trop où tu vas, autant suivre ton instinct et ce que tes yeux apprécient. « Si ça a l’air beau, autant y aller !! »

Pour le « lâcher-prise », c’est juste que j’aime ma vie, j’ai envie de l’enrichir de rencontres et d’anecdotes, mais pour ça il faut en créer les occasions. J’aime la dérision et l’audace. Mes plus grands moments sont dû à mon audace. Faire des photos insolites avec de drôles de personnages c’est mon truc… et en plus, ça fait rire mes petites nièces. Pour vivre des choses exceptionnelles, il faut des fois faire preuve de culot et de confiance en soi pour tenter l’impossible.

Merci Fred d’avoir répondu à nos questions, on te souhaite plein de belles choses pour ton prochain road trip !
6 Commentaires. En écrire un nouveau
Hello Fred,
Félicitations et merci pour cette leçon de courage et de bonne humeur.
Bravo. Bon vent pour les prochaines destinations.
Salut FREDO
Félicitations pour ton parcours touristique , tu as du le courage que je n’ai pas , moi qui ne suis QUE para..
Ton compagnon et voisin d’infortune de 2016
Tu as une liberté dans la tête et une capacité à « repousser les barrières » (comme tu dis) que beaucoup de gens « valides » n’ont pas ! Je suis admirative de ça chez toi.. Sans oublier ton humour que j’adore,, Je te souhaite encore des centaines de merveilleux voyages et de road trips partout où tu voudras ! Bises Frédérici
Enjoy !
Bravo cher Fred. Ton courage et ta débrouillardise me plaisent. Tu me connais un peu je pense car j’interviens parfois sur tes posts. Si j’avais 20 ans, disons encore 10 ans de moins, je te suivrais. Mais je me contente de suivre tes exploits. Merci de tout cœur pour le partage. Je t’embrasse (je peux me permettre because I’m 77 old!) Continues ainsi A bientôt de te lire
Merci Josyane pour tes compliments. Bon week et à bientôt. Fred