Jour 11 : lundi 22 avril 2013
Flammes dans le ciel et dans la roche
Duel au dessus des nuages
Ce matin le rendez-vous est fixé à 7 heures. Lieu de rendez-vous ? Notre camping. Derniers arrivés ? Nous.
La honte !
Bon heureusement il n’est que 7h02.
Dans notre groupe, un couple de hollandais, 3 amis fraîchement débarqués de Sedona et une famille de canadiens (mère francophone, père anglophone, leurs deux jeunes enfants sont parfaitement bilingues).
Tout ce petit monde est d’excellente humeur, et l’on devise joyeusement en attendant notre chauffeur, qui doit nous conduire jusqu’à la montgolfière. La discussion tourne bien sûr autour de nos voyages et nos origines…
Le chauffeur arrive, chargé de papiers de décharge qu’il nous faut signer. Je demande si les petits caractères précisent qu’en cas d’accident, nous léguons notre fortune à la compagnie. Il opine vigoureusement du chef, et quand je lui tends l’argent pour régler notre vol, il me le fait ranger : le paiement se fait à la fin…si nous sommes toujours en vie !

C’est donc une troupe hilare qui prend place dans le van, à destination de l’aéroport de Moab, un peu plus loin sur la 191.
Bientôt on voit apparaître au dessus de l’horizon une large boule aux couleurs vives qui tranche dans le paysage encore pâle : le ballon !
Vêtu de ses habits flamboyants, prêt à s’élancer dans le ciel…
Nous montons dans la nacelle pour prendre nos marques et nous faire tirer le portrait par notre conducteur. Je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi confortable : poches pour ranger nos affaires, poignées pour se tenir, parois en tissu épais qui séparent les compartiments dans lesquels nous sommes installés et pouvons nous déplacer à notre guise…nous sommes parés !
En route !
Lou Bartell, au milieu de nous, gère avec le sourire les derniers préparatifs. Une fois le ballon entièrement gonflé (ce qui prend un temps record vu la taille de l’engin), c’est parti, amarres larguées ! Nous nous élevons en douceur, sans heurt, comme sur un coussin…d’air. Fascinée par les flammes qui s’élèvent à côté de nous, je ne me rends pas compte de la vitesse du trajet. Mais bien vite un regard vers le sol me fait réaliser à quelle hauteur nous sommes : le van me parait soudain minuscule, petite tache blanche sous nos pieds…la sensation est grisante !
J’ai l’impression d’être Gulliver à Lilliput
En prévision des grands froids (heure matinale, vent, altitude n’est-ce pas) nous nous sommes couverts comme des polynésiens en vacances sur la banquise. Sauf que...le soleil tape, les flammes ne font rien pour baisser la température et quant au vent…on avance fort logiquement au même rythme que lui !

On se sent donc bien stupides (et sur-couverts).
Lou Bartell est très sympathique. Parfaitement à l’aise, cet ancien pilote d’avion est visiblement dans les airs comme un poisson dans l’eau. Il nous indique des chemins de randonnées visibles du ciel, nous montre d’anciennes mines abandonnées, des empreintes de dinosaures, nous explique la géologie des lieux…pilote, guide, il revêt même à l’occasion le chapeau de garçon d’honneur puisqu’il arrive que des mariages soient célébrés à bord !

Je n’imaginais pas que ce métier comportait autant de facettes.
Contraste de textures et de couleurs
Une route au milieu du désert ou la définition de l’Ouest, pas vrai ?
Le vent nous pousse vers Arches et tout le monde retient son souffle : allons nous passer au dessus du parc ?
Oui!
Aujourd’hui la chance est avec nous, et bientôt Lou nous désigne la Salt Valley, Devil’s Garden, La Windows Section, Klondike Bluffs, et Landscape Arch qu’on distingue très nettement malgré la distance, c’est impressionnant !
Nous sommes aux anges, Lou est ravi aussi : « le vol dont tout le monde rêve ! » lance t-il à la cantonade avec un clin d’œil complice.
Nous ne sommes pas à Hawai mais nous avons nos ailerons de requin quand même
Landscape Arch vue du ciel
Alors que nous admirons les finns (ces fameux « ailerons de requin » si visibles du ciel), notre pilote nous explique qu’une fois, la montgolfière a atterri dans le parc ! Ce qui est bien sûr totalement illégal. J’imagine l’excitation des passagers du jour…et la tête des rangers se retrouvant face à eux!

(«
euuuuuh chef c’est combien le tarif d’entrée pour un ballon ? »). ça a dû être mémorable pour tous. Le souvenir est vivace dans l’esprit de Lou, car au-delà du stress engendré par la situation, il lui a fallu 3 jours d’efforts pour récupérer la montgolfière !
Les deux enfants de notre groupe, fort sages, semblent profiter pleinement de la balade. Lou, facétieux, s’amuse à les taquiner… :P
Les z’aventures d’une famille solidaire
Épisode 1 : Duel au soleil
Les z’aventures d’une famille solidaire
Épisode 2 : Le poids lourd
Il règne vraiment une atmosphère étrange à bord du ballon, si loin au dessus du sol. Soudain un téléphone sonne ! Le son parait complètement incongru là où nous nous trouvons. Gênée, sa propriétaire décroche et s’excuse auprès de son interlocuteur : elle ne peut lui parler maintenant, en effet là elle est à bord d’une montgolfière. Tout le monde éclate de rire ! Ça change des « je suis dans le bain » ou « ma voiture passe sous un tunnel » !
Lou nous raconte les débuts de son entreprise : c’était épique ! Ne disposant pas de moyens de communication, ses collègues restés à terre devaient suivre le ballon à la trace, et par manque de place dans le véhicule il leur fallait, une fois tout le monde gentiment revenu sur le plancher des vaches, ramener le ballon…à vélo !

On comprend notre pilote quand il nous explique qu’il savoure le progrès : dorénavant il lui suffit de passer un coup de fil et, presto, ses acolytes déboulent au volant du van. Il est d’ailleurs temps de signaler notre position afin que ces braves gens se mettent en route.
Lou dégaine son portable et compose le numéro.
Rien ne se passe.
Il n’a pas de réseau !
Du coup la propriétaire du téléphone intempestif tend ce dernier à Lou, au moins on sait que celui là capte, à nouveau hilarité générale dans le ballon!
Finalement le réseau revient, et nous amorçons notre descente. Notre pilote nous donne les consignes sur la position à adopter. Agenouillés, tenant fermement les sangles, nous serrons les dents et nous préparons au choc imminent.
On attend.
...
Bon, apparemment ce n’est pas pour tout de suite.
On jette des coups d’œil furtifs autour de nous,

n’osant désobéir ouvertement : nos compagnons de vol font de même…petit à petit, n’assumant pas complètement notre acte de rébellion (
mais non le terme n’est pas trop fort), nous nous redressons et examinons le sol. Regards en biais vers Lou qui ne semble pas sur le point d’invoquer Jupiter et autres dieux de la foudre pour nous punir de notre transgression.
Du coup on se redresse complètement (les vilains !), on examine le sol, et on commence même à parier entre nous sur l’endroit où nous allons atterrir. Les deux hollandais nous font bien rire, cherchant les pires endroits possibles :
L’arrivée se fait donc dans un éclat de rire pendant que le jeune garçon tente de convaincre Lou de dévier la course de la montgolfière car nous risquons de décapiter un yucca, et nous nous posons comme des fleurs au bord de la route, accueillis par le chien de Lou arrivé à bord du van.
Pendant que les assistants de notre pilote se chargent de dégonfler le ballon (et que le jeune garçon replante le yucca), on trinque au « champagne » (comprendre « mousseux »), à la française comme dit Lou. Nos compagnons nous demandent comment on trinque en France, et c’est sur un cœur de «
santé ! » que nous célébrons la fin de cette péripétie aérienne.
Nous avons beaucoup apprécié cette expérience, grâce à la compagnie de Lou et des autres passagers notamment, et grâce au survol d’Arches : cependant je pense que l’expérience est encore plus belle à Sedona et je comprends Lou qui rêve d’y déménager son entreprise. Qui sait, peut-être un jour nous retrouverons nous là- bas ?
Nous rentrons en van au camping, ce qui prend environ une heure (il nous faut cette fois contourner Arches, pas possible de couper !).
Le reste de la matinée est consacré à des tâches passionnantes somme lessive et rangement de bagages, puis nous nous mettons en quête de pitance à la station service. Nous repartirons de là avec des saucisses type hot-dog, des tacos, des oréos et une soupe à la viande (achat à but utilitaire, j’avais besoin d’un récipient passant au micro ondes. L’aspect est pour le moins…spécial, on croirait du « Gourmet » dilué…).
Bon appétit bien sûr!!!
Nous mangeons tout cela sur la terrasse de notre cabine puis reprenons Taléklé, en direction du parc où les arches se comptent par centaines…
