Jour 12 : mardi 23 avril 2013
Les pisteurs de l’extrême
Ce matin nous faisons nos adieux à notre cabine (et à ses superbes rideaux ornés de chevaux pastels) et nous rendons à nouveau à Arches, pour la randonnée Devil’s Garden.
La randonnée débute par un couloir entre les roches, où le vent nous saisit. Brrrr ! On sort nos vestes, transis, avec un regard apitoyé pour ceux qui nous doublent en grelottant sans prendre le temps de se couvrir : on rira bien quand ils auront une pneumonie !
Trois pas plus loin, sortis du couloir et revenus au soleil, nous remballons vite fait nos doudounes somme toutes pas vraiment indispensables, pour ne pas dire carrément inutiles...
Il y a beaucoup de monde en ce début de sentier, où la route mène facilement devant les différents points de vue.
Bientôt nous atteignons la belle Landscape Arch, que nous avions découverte vue du ciel la veille. A voir sa fine courbure délicatement ciselée dans la roche, on se dit qu’elle mériterait bien le nom de Delicate Arch (n’y a-t-il d’ailleurs pas eu une inversion des noms entre ces deux là ? je crois me souvenir d’une lecture en ce sens

).
Un peu plus loin, il faut escalader de gros rochers pour poursuivre. Une des promeneuses, visiblement pas dans son assiette, regarde avec effroi le sommet du rocher. Elle nous sollicite pour porter un message à son mari, passé de l’autre côté et qui doit - a priori - l’y attendre : la pauvre n’ose pas franchir l’obstacle à cause du vertige ! Nous la rassurons et menons à bien notre mission. De l’autre côté le mari n’a pas l’air pressé de s’occuper de sa jeune épouse, on sent qu’il aurait bien continué la balade…je vois venir le moment où il va nous renvoyer de l’autre côté tels des pigeons voyageurs, pour dire à sa femme qu’elle n’a qu’à se bouger un peu le derrière…

heureusement il s’en charge tout seul et nous poursuivons notre route.
Sans doute perdus dans la contemplation du paysage qui nous entoure, nous nous éloignons du sentier sans y prendre garde.
Deux chinois nous suivent. Ils n’auraient pas dû…
Au bout de quelques minutes, nous sommes surpris de l’absence de cairns ou autres marques de sentier. Bizarre pour une des randonnées phares de ce parc hyper fréquenté, non ?
On retombe sur des cairns, mais l’absence totale de chemin nous conforte de plus en plus dans l’idée que nous sommes sur une sorte d’itinéraire bis plus qu’autre chose…les chinois suivent docilement à vingt mètres de distance.
On marche sur les ailerons, puis approchons d’un endroit où ils descendent abruptement. Faut-il poursuivre par là ? C’est un peu raide quand même, je n’ai rien lu en ce sens dans le descriptif de la randonnée.
Euh…c’est sûr qu’il faut descendre, là ?
Soudain, en contrebas, un type nous hèle. Lui aussi doute du chemin à suivre (la bonne blague). On cherche ensemble, on revient sur nos pas pour retrouver les cairns…un peu en arrière, nos deux chinois sont en stand by, visiblement pleinement confiants en notre capacité à leur ouvrir la voie.
Cela donne la scène suivante :
Après ce bon fou rire, nous reprenons l’autoroute de Devil’s Garden. Dans la bataille nous avons réussi à louper deux arches, non vraiment on est trop forts en termes de perte de route !
Au bout de quelques minutes, nous nous retrouvons à nouveau au niveau de notre compagnon d’errance. Nous engageons la conversation. Il vient de Los Angeles et nous explique que beaucoup de ses amis ignorent jusqu’à l’existence des parcs de l’Utah ! Il est donc surpris de voir des français si loin de leur terre natale.
Nous finissons par nous séparer, cette fois nous ne nous reverrons plus. La marche se poursuit sur les finns, ces beaux ailerons de roche. La vue sur les alentours est magnifique. Je me demande par contre ce qu’en penserait la touriste atteinte de vertige : pas sûr qu’elle aurait apprécié la suite de la balade la pauvre, elle a bien fait de s’arrêter là où elle l’a fait.
Nous arrivons à Double O Arch et décidons de faire une pause pique nique face au beau spectacle des deux trouées superposées dans la roche.
Un chipmunk, sans doute habitué au régime «chips-pain de mie » tourne avidement autour du rocher où nous sommes assis. Je lui propose des amandes, qui me semblent (à tort ou çà raison) plus saines pour lui. Ce gredin les dédaigne et s’en va plus loin, faire les yeux doux à un couple qui le gave de miettes de biscuits…je suis dépitée !
Peu à peu, la foule arrive…nous la fuyons en prenant la direction de Dark Angel, sombre monolithe étrangement dressé un peu plus loin. Vu de près, il est drôlement haut !
le zoli rocher!
Nous reprenons la route par le Primitive Trail. Je trouve le panneau indicateur, planté à côté d’un sinistre buisson sec, du plus bel effet…
C’est parti pour cette belle randonnée, beaucoup moins prisée que le chemin aller.
Belle griffe
Descente par des pans de roche lisse, sauts par-dessus des flaques (plus que de nécessaire, j’en rajoute un peu) ; un peu de contournement de buissons…
Oh, une flaque !
Attention danger…
…et hop !
Nous apprécions particulièrement ce coin du parc, la cerise sur le gâteau étant l’incursion vers Private Arch, véritable bijou qui ne se révèle qu’à la dernière seconde.
On la devine…
La randonnée nous mène ensuite à nouveau sur le sable. Dommage, on appréciait énormément la portion rocheuse, très ludique et quasi déserte. On quitte à regret l’abri des ailerons de pierre et retrouvons le soleil de plein fouet. Dur dur déjà en avril, alors en été… (Comment ça je me répète ?)
Une racine tarabiscotée comme je les aime
Tête d’éléphant
Nous en profitons pour passer devant les deux arches manquées à l’aller, retrouvant par la même occasion la foule, et sommes rapidement de retour à la voiture.
Avant de quitter le parc, nous faisons un petit arrêt à la jolie Sand Dune Arch, cachée à l’ombre d’un rocher : deux tortues s’embrassant dans le sable ?
Cette fois c’est fini, nous reprenons la route bitumée qui traverse Arches en direction de la sortie.
J’ai hâte de rejoindre Capitol Reef, qui me semble plus paisible que les superstars Arches et Canyonlands, mais avant cela nous devons décider de notre programme de l’après-midi. J’écarte à regrets Little Wild Horse Canyon -nous n’aurions pas le temps d’explorer ce séduisant slot canyon- et nous partons donc vers le nord, à destination de Sego Canyon, situé non loin d’Arches.
Après la traversée étrange de Thompson, ville qui mélange pavillons et terrains abandonnés, maisons de bric et de broc et caravane délabrées, nous arrivons devant d’imposantes parois rocheuses couvertes de pictogrammes et pétroglyphes datant de différentes époques. Tracées par les Indiens Fremont, Ute, ainsi que par des tribus dites archaïques, ces représentations sont dans l’ensemble bien conservées. Le Barrier Canyon Style Panel est particulièrement frappant : on peut y voir d’étranges formes humanoïdes, la plupart ouvrant de grands yeux vides…
Nous poussons un peu plus loin sur la droite, où l’on peut contempler de près d’autres créatures à l’allure d’extra-terrestres (et à notre niveau, ce qui ne gâche rien). Il flotte dans l’air de cet endroit une atmosphère irréelle…
Desert varnish
Nous ne résistons pas à l’envie de continuer notre route vers Sego Ghost Town, ville fantôme située un peu plus loin. Le trajet pour y parvenir nous guide entre des parois rocheuses rapprochées.
Sur place, quelques murs tiennent encore debout mais l’on se retrouve surtout face à de vieilles planches et morceaux de ferraille ; plus authentique que Goldfield Ghost Town, pour sûr !
Nous déambulons entre les pans de murs écroulés et les carcasses de voitures, essayant d’imaginer quel pouvait être le quotidien des gens qui vivaient là. Le spectacle de cette ville abandonnée parait étrange aux yeux des européens que nous sommes : j’ai toujours du mal à imaginer qu’on puisse, du jour au lendemain, quitter un endroit où l’on a construit sa vie.
L’heure tourne. Nous reprenons Taléklé et la route, traversons Thompson en sens inverse (tiens, quelques personnes sur le pas de leur porte, accueillant des enfants qui doivent rentrer de l’école…vision incongrue dans cette ville sinon complètement déserte) et partons vers l’ouest.
La route traverse Green River, qui ne nous semble constituée que de motels et de stations services bordant la voie de circulation. Nous décidons de nous y arrêter dans une supérette pour y acheter des plats cuisinés destinés à notre repas du soir.
La sélection de pizzas (sans façon, Horseshoe Bend est encore trop frais dans mon esprit), burgers et gratins est impressionnante.
Pour le reste ?
Eh bien on peut se brosser Martine !
M Pizza finit par opter pour des macaronis au fromage, tandis que je jette mon dévolu sur une pie au bœuf. Nous avons tapé dans le haut de gamme, Stouffer’s et Marie Callender’s (prix 4 à 5 fois plus chers que les autres marques), on verra bien le résultat.
La route se poursuit, monotone, grise et poussiéreuse…difficile à croire que derrière ces collines arides se cachent les trésors du San Rafaël Swell ! Je profite du trajet pour rédiger des cartes postales, pour une fois je n’ai aucun scrupules à ne pas coller mon nez à la vitre.
Toujours plus à l’ouest
Nous finissons par atteindre Caineville, juste avant l’entrée est de Capitol Reef. Notre hôtel, le Rodeway Inn Capitol reef, se situe en bordure de la route. Nous y sommes accueillis par une jeune femme au sourire timide (dont la discrétion et le look très sage lui vaudront le surnom de « la mormone de l’accueil », non vraiment nous ne sommes pas sortables), qui nous indique notre chambre…enfin plutôt notre suite : c’est immense ! Vestibule, chambre géante, salle de bain du même acabit…j’étale donc voluptueusement mes affaires un peu partout (comme les chiens, je ressens le besoin de marquer mon territoire), ayant cette fois un alibi parfait : il faut bien remplir un peu ce vide !
Soirée télé devant Jurrassic Park, en mangeant nos estoufferades.
Verdict : les macaronis au fromage se révèlent être une sorte de sauce fromagère dans laquelle flottent, noyées, quelques pâtes. Ma pie quant à elle n’atteint pas les sommets de la gastronomie mais elle se laisse manger (trop aimable à elle).
Plat cependant fort dangereux car je manque m’étouffer en avalant de travers, suite à un fou rire déclenché par la lecture de l’emballage. En effet la marque doit soutenir une action caritative de subvention de repas pour les enfants dénutris, il est donc indiqué sur le couvercle « Child Hunger Ends Here ». « Vu la taille imposante de la pie, je suis bien d’accord, aucun enfant n’aura plus faim après avoir mangé ça ! » me suggère mon humour douteux.
La coupable !
Repus, nous sombrons dans le sommeil, pressés d’être demain où un nouveau parc nous attend…
