Day VI : Part II - Un sourire sans chat
Comme les rues du centre-ville sont plus ou moins bouclées et une partie des bus détournés, éclipsons-nous loin de la foule, direction… Logan Square et Wicker Park, enclaves gentrifiées pour hipsters en vadrouille accros à Instagram, appréciant les bars à cocktails et les cafés branchés… mais pas que.
Plus sérieusement, ces deux quartiers sont dans une certaine mesure les
Brooklyn et Greenwich Village de
Chicago, donc comment ne pas tomber sous le charme ?
Métro, passage à « Quincy », officiellement ma station préférée.
Puis Blue Line jusqu’à la bien nommée station « California ».
J’avais noté sur une feuille volante (
parce que c’est rétrograde, moins écolo et plus archaïque et que le smartphone qui te toute façon me gonfle) quelques adresses de fresques remarquables et tracé un itinéraire avec quelques points stratégiques. Mais nous avons découvert bien d’autres œuvres en chemin.
C’est parti pour la balade ! Comme nous sommes dimanche matin, les boutiques sont majoritairement fermées (
ça ce n’était clairement pas le bon plan) et les rues sont désertes.
Première mission, approcher le mural « Greetings from
Chicago ».
Devant la fresque, nous tombons sur un couple de touristes vêtus comme Jonathan & Jennifer Hart - ils avaient même la voiture de luxe pour aller avec, il ne manquait que Max le chauffeur et le yorkshire - venus de je ne sais où (Europe de l’Est ?) qui nous demandent de les photographier devant, en échange de faire de même pour nous. On accepte. Donc petite séance photos.
Nous, on est venus jusqu'ici en jean, chaussures de rando et en métro pour sauver Ferris, qui fait officiellement partie du patrimoine cultuel de la ville. Rencontre improbable devant cette superbe fresque, difficile de trouver deux couples aussi radicalement différents. L’amusement ne connaît pas de frontières.
A côté, un autre mural, très coloré. J’ai appris la semaine dernière (début janvier) qu’en lieu et place de cette fresque, il y avait jusqu’en août 2023, une peinture dédiée à Quincy Jones. C’est un peu le problème du street art, les œuvres sont éphémères. Dommage.
A proximité du parking, tout autre chose :
Nous marchons en direction de notre prochaine destination… Robin
Williams, né à
Chicago. En chemin, on profite des curiosités de ce quartier en pleine reconversion, passé en quelques décennies des gangs criminels aux gangs de hipsters.
Mes héros emprisonnés… c’est triste. Et ils auraient bien besoin d’un petit rafraîchissement :
J’espère qu’ils vont le sauver car il est beau, mais en attendant les artistes se déchaînent sur sa façade décrépie et abandonnée :
Mon préféré entre tous :
Je ne vous ai pas tout mis, il y en a d’autres
par ici.
Nous arrivons devant le Concord Music Hall et sa façade, lumineuse.
C’est cette fresque aperçue sur Google Maps qui est à l’origine de mon envie (besoin ?) de passer un peu de temps dans le quartier. Elle est l’œuvre de Jerkface (
on espère que c’est un pseudo !), artiste new yorkais connu pour ses représentations subversives de personnages animés de la pop culture, et de Owen Dippie, un peintre néo-zélandais spécialisé dans les portraits hyper détaillés. Ce mural est « apparu » en septembre 2018 et certains chicagoans avaient donc émis l’hypothèse qu’il avait été créé en l'honneur du mois national de sensibilisation à la prévention du suicide. Le propriétaire du Concord Music Hall n’a ni confirmé, ni démenti, affirmant seulement qu’il ne ferait aucun commentaire sur le sujet. Et tant mieux. Cinq ans plus tard le mural est toujours là et espérons qu’il sera préservé durant encore de nombreuses décennies.
Dans le quartier, on trouve de nombreux cafés, librairies, boutiques originales, friperies… comme en prime les décorations d’Halloween sont de sorties, l’ambiance est encore plus sympa.
On en est tous un peu là :
Boutique fermée, dommage je voulais que Young Frankenstein rentre avec moi en France.
Je ne sais pas pourquoi, allez savoir, l’association dentiste et araignée me déplaît, mais je suis certaine qu’on pourrait faire émerger de cette association d’idées un chouette film d’horreur (je vous mets l’image en spoïle pour ne pas effrayer une amie) :
Banquier est un métier chiant à mourir, la preuve (
s'il y en a sur le forum, vous n'êtes évidemment pas concernés) :
En devenir…
En termes d’architecture, ce quartier n’a absolument rien à voir avec le centre-ville. Ce
Chicago là me rappelle d'une certaine façon l’ouest du pays, avec ses maisons victoriennes, la brique, les façades colorées…
Des lunettes, c’est toujours pratique pour lire, pensez-y !
L’arrière-cour de la rue principale et un tout autre spectacle…
Puis au-delà de cet ingrat décors, un joli parc apparait soudain, la pause est bienvenue.
Tous les habitants du quartier se retrouvent ici le dimanche matin, c’est certain, d’autant plus qu’aujourd’hui, c’est jour de courses. Les stands du marché fermier titillent nos narines. Il y a évidemment des producteurs de fruits & légumes, des fleuristes, des vendeurs de courges à la pelle, une boulangerie dont les croissants donnent bien envie… mais aussi toutes sortes de stands de vente à emporter. Le coin est très vivant et particulièrement agréable. Quelques photos en couleurs…
La grosse folie du moment semble être de rentrer ses soi avec des bouquets… de tomates ! Je ne les ai pas photographiés car je ne voulais importuner personne, mais ils m’ont intriguée : des tomates cerises, mais sur des branches de bois, comme des bouquets de fleurs. Si quelqu’un a une explication, je suis preneuse.
Tous ces parfums nous creusent l’appétit et on se dit qu’on devrait goûter à une spécialité locale quand on tombe nez à nez avec un stand de…
Niveau spécificité locale, on repassera… mais bon sang que ça donne envie. Le stand est tenu par deux mexicains (
la logique même !), et ils utilisent une grande machine traditionnelle, en faisant couler avec amour le fromage fondu dans des demi-baguettes de pain tout chaud et croustillant. On a le choix des garnitures : jambon cru, jambon blanc, saucisson, oignons, cornichons, "champignons suisses" ( ?!
WTF !
s'il y a des suisses dans la salle, qu'ils se manifestent et me donnent une leçon de choses ). Le sandwich coûte 16 $ et je vous assure que ça les vaut. Cette raclette est une véritable tuerie. Et le pain est, de très loin, le meilleur que j’ai pu manger aux USA, et bien meilleur que dans de nombreuses boulangeries françaises. Gizmo me glisse à l’oreille que ce soir on est sensé manger une deep dish pizza. Oui, certes, j’en prends note… Finalement, la pénurie matinale de bananes était peut-être un signe. Et comme on est objectivement taré, plus loin, en dessert, en se prend des donuts. Mais celui qui n’a pas mangé le même jour un sandwich à la raclette, une pizza chicagoan et un donut au caramel me jette
le premier morceau de fromage la première pierre.
Le parc abrite en outre une statue de
Charles Gustavus Wicker (1820-1889), l’homme à qui le quartier doit son nom. Business man et spéculateur immobilier de
Chicago devenu plus tard homme d’État, il a notamment contribué au développement du quartier. Ce bronze de 2.7 mètres a été créé par Nancy Deborah Wicker-Eilan, arrière-petite-fille de Charles, entamé en 1998 et inauguré en 2006 (
la statue, pas la petite fille !).
Charles Gustavus Wicker est représenté en train de balayer le sol. L’histoire raconte que lors d’élections auxquelles il s’était présenté, un ami à lui l’avait vu en train de balayer le bureau de vote. Son ami lui avait alors demandé pourquoi il faisait cela et Charles avait répondu tout simplement : «
Parce que c’était sale. ». Un gars bien.
On bifurque dans la partie plus résidentielle du quartier, à la recherche d’un splendide mural dont j’avais noté l’adresse. Ici de nombreuses maisons ont été rénovées, ou sont encore en cours de restauration. Une poignée habitants profite du week-end pour décorer logement et jardin pour Halloween tandis que d’autres semblent prêts depuis des jours, si ce n’est des semaines. Des sorcières grimpent dans les arbres et quand on passe devant certaines demeures, des cris fantomatiques jaillissent des haies si ce n’est pour effrayer, au moins faire rire les passants. Superbe quartier où il semblerait faire bon vivre.
Nous trouvons la fresque en question et je suis contente qu’elle soit encore là.
L’œuvre représente
Vivian Maier (1926-2009) photographe amateur dont l’œuvre a été découverte après sa mort et qui a donc connu une reconnaissance posthume, mais fulgurante. Je ne la connaissais pas jusqu’à il y a quelques mois quand j’ai visionné une courte présentation de son travail et de sa vie dans une vidéo, de mémoire sur une page Facebook (Brut ou Arte, je ne sais plus). Cette femme a été gouvernante et nourrice durant quarante ans, travail qu’elle n’aimait guère et elle a vécu aux USA (
New York et
Chicago), en France (elle a désormais une rue à son nom à Paris dans le 13ème arrondissement) et a également eu l’occasion de voyager. En extérieur, elle ne se séparait jamais de son appareil et photographiait la rue, la vie quotidienne, la misère, les citadins, les travailleurs, les marginaux, les enfants… Elle a réalisé près de 130 000 photos. Elle développait ses photos dans sa salle de bain mais comme elle n’avait souvent pas les moyens de développer ses clichés, elle ne voyait que peu son propre travail. Et elle n’avait montré ses négatifs à quiconque. C’est fou, non ?! En 2007, alors que Vivian était hospitalisée (elle avait glissé sur une plaque de verglas au bord du lac Michigan et s’était grièvement blessé à la tête) et qu’elle ne pouvait plus payer les frais du box de stockage où elle entreposait ses négatifs (200 cartons !), ses biens ont été vendus aux enchères. Un agent immobilier, John Maloof, qui recherchait des photos de
Chicago dans le cadre de la rédaction d’un livre historique sur la ville, s’est porté acquéreur d’un lot de 30 000 négatifs pour 400 $... et c’est ainsi que son travail a été découvert.
J’aime follement les photographies de Vivian Maier, elle est infiniment inspirante. Tout me parle chez elle, les sujets qu’elle décidait de photographier, les reflets et les mises en abîmes, les ombres, les lignes de la rue, les détails infimes des paysages citadins…
Si le sujet vous intéresse, jetez un œil, et même les deux yeux, sur son travail, par
ici. Elle a fait également l’objet d’un film documentaire en 2013 (que je n'ai toujours pas vu), réalisé par John Maloof et Charlie Siskel,
Finding Vivian Maier.
La fresque recouvre la façade d’une maison et reproduit l’un des nombreux
autoportraits de Vivian. Ses autoportraits sont fabuleux soit dit en passant.
On souhaite maintenant découvrir le Chat du Cheshire, noté sur ma liste. En chemin, encore quelques jolies choses, étonnantes ou encore décalées…
Quelque chose me dit que nous sommes sur la bonne voie.
Quelques magasins sympas ou intrigants ici ou là… Nous n’avons pas pu entrer dans la boutique de l’agent secret, c’était fermé.
Cette école a changé de nom il y a une dizaine d’années, elle s’appelle désormais Lasalle II. Non, mais quelle idée !!!
Un café ?
On se pose chez Wendy’s un petit moment pour prendre une citronnade et bénéficier du wifi gratuit. Nous y croisons un marathonien épuisé mais rayonnant, arborant fièrement sa médaille et dévorant un large burger et des frites bien mérités.
C’est la rue des pâtisseries, il y en a partout.
Ça mange ou ça se mange ?... ou les deux ! :
Chicagoans caméléons :
On approche finalement du chat le plus surréaliste du monde. Il s’agit là encore d’une œuvre de Jerkface.
« Si tu ne sais pas où tu vas n'importe quelle route peut t'y mener. » Disait le chat du Cheshire, j’ai donc toujours bon espoir d’arriver quelque part.
Il est aux environs de 16 h 00. Dernières photos avant de quitter le quartier.
Nous repassons brièvement par l’hôtel puis direction Gino’s East, it’s pizza time !
Il est certain que cette soirée pizza, je m’en souviendrai éternellement… mais pas pour les raisons que vous croyez car, je dois vous l’avouer, je n’ai pas aimé ce que j’ai mangé.
Je vois cela comme une expérience que je me devais de vivre afin de combler ma curiosité alimentaire.
Premier problème, le service, anormalement long. Nous avons été installés sans aucune attente, et on a pris notre commande immédiatement puis nous avons attendu plus d’une heure avant d’être servi. J’avais espéré que cette attente allait être récompensée. Malheureusement, la « deep dish pizza », c’est… bourratif ! La pâte est une espèce de chose ressemblant vaguement à un ersatz de pâte sablée salée au niveau de la consistance, mais hyper-hyper-hyper épaisse. Et pas d’bol pour moi, j’ai clairement mal choisi mon plat. J’aime bien les plats épicés quand les piments sont équilibrés et qu’ils n’anesthésient pas le goût des autres ingrédients. Ma pizza haut perché sur l’échelle de Scoville n’avait goût à rien, juste de la pâte « étouffe crétin » (
ce n’est pas une coquille) avec du piment. On ne gagne pas à tous les coups à goûter des trucs nouveaux, l’important était de tenter.
En ressortant du restaurant, on a une furieuse envie de nous faire une petite balade nocturne du côté de la Buckingham Fountain. On espère nous trouver un
Glacier en chemin… par chance, Gino’s abrite un kiosque de Original Rainbow Cone, donc nous n’avons même pas besoin de chercher. On tombe sur un gars hyper sympathique, heureux de voir des touristes français, on discutera et rira une dizaine de minutes avec lui car il nous demandera de lui apprendre quelques mots de français. On repartira avec deux glaces délicieuses qui nous feront oublier la mauvaise expérience de la pizza, marchant tranquillement en direction de la fontaine.
Difficile de trouver un passage car le secteur est encore partiellement fermé et gardé par des barrières et des vigiles qui bloquent la circulation mais aussi les piétons. Nous voyons des touristes rebrousser chemin et abandonner tandis que des camionnettes vont et viennent pour ramasser toutes les signalétiques ayant servi au marathon. On ne renonce pas et on remonte jusqu’à trouver une rue ouverte. Par conséquent, il n’y a quasiment personne près de la fontaine et la balade se révèle idyllique. De nuit cette fontaine aux couleurs changeantes est absolument sublime.
Et encore une dernière car quand on aime… avant de vous dire à la prochaine fois.
Demain : 360 Chicago, Lincoln Park, des courges, Astor Street et ses sorcières… To be continued…
(en revanche la qualité de l'air est médiocre 
). 
).
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