Après les action cam, les selfies (qui n’en finissent pas de nous tendre leurs perches), le drone s’invite dans nos voyages, ouvrant un nouveau champ des possibles dans le domaine de l’image. Il faut bien avouer que ces « insectes » volants ont de quoi sublimer les souvenirs vidéo de voyage, d’autant que les États-Unis offrent sans doute l’une des plus belles gourmandises à mettre sous l’objectif affamé d’un drone.
Sauf que le sujet est alimenté par un certain nombre d’inquiétudes et de rumeurs autour de son usage et des potentielles restrictions qui y sont liées. Nous avons donc décidé de prendre de la hauteur (sic) pour un retour d’expérience avec Jérôme, membre du forum Sunset, qui vient de rentrer d’un road trip dans l’Ouest américain avec son drone…
JC : hello Jérôme ! Avant d’entrer dans le vif du sujet, parles-nous de ton road trip. Combien de temps es-tu parti, qu’as-tu visité, qu’est-ce qui t’as décidé à partir au pays de l’Oncle Sam ?
Jérôme : salut salut et mille merci de l’intérêt que vous portez à ma petite contribution ! Alors, l’origine de l’idée de ce road trip, c’est mon envie d’assister au plus gros meeting aérien du monde, l’EAA Air Venture à Oshkosh, Wisconsin. Mais ne pouvant humainement imposer 7 jours non-stop dédiés au métal hurlant à Madame, j’ai donc eu l’idée d’y associer cette aventure !
J’ai mis plus d’un an à monter ce projet, avec l’aide précieuse et indispensable des pointures de ce forum (ils se reconnaitrons ^^ ). Il a consisté en une arrivée à Los Angeles, saut de puce jusqu’à Las Vegas, puis départ du road trip.
Nous avons fait un passage à Red Rock Canyon, puis Valley of Fire, Zion, Cottonwood Canyon Road, Bryce Canyon, Escalante, Burr Trail Road, le secteur de Fruita, Arches National Park, les Needles, le Natural Bridges National Monument, Monument Valley, le secteur de Page, Lake Powell, Grand Canyon, Route 66 et retour à Las Vegas… le tout sur 15 jours, en camping principalement. Tout s’est parfaitement enchaîné, sans courir, et on en a pris plein les mirettes. le meilleur trip de notre vie !
Suite à ça, Madame à rembarqué pour la France, et je suis parti pour Chicago, l’aller et le retour ont d’ailleurs été bien galère. J’ai enchaîné les soucis d’avion (de ligne), mais au final, ça n’a pas entaché le ressenti final, qui était proprement époustouflant. Le meilleur trip de ma vie, vous dis-je !!!
Comment est venue l’idée d’embarquer un drone dans cette aventure ? Faut-il y voir un lien avec ta passion pour l’aviation ?
J’ai découvert le drone par une collègue de boulot, en 2017, et j’ai sauté le pas en septembre de la même année, avec un Parrot BeBop2. Engin sympa, solide (bien pour débuter !) mais qui rapidement, à montré ses limites au photographe amateur que je suis, par sa qualité photo-vidéo médiocre. Ses pertes fréquente de liaison rendait aussi son emploi limité. Quelques recherches m’ont rapidement orienté vers un DJI MavicPro 1, l’année suivante, en février. Je ne dirais pas que le drone est une « prolongation » de ma passion pour l’aviation, mais clairement une pour ma passion de la photographie, oui !
Dès l’origine du projet aux USA (dans la même période) il a d’office été question d’emmener le drone. Je dirai même plus, le fait d’en changer pour un modèle plus performant a été dicté par le désir d’être sûr d’en profiter un maximum. Et avec le recul, c’était un bon choix !
Parlons maintenant de la réglementation. Avant de partir en voyage, faut-il déclarer son drone auprès des autorités américaines ?
Alors, c’est là le sujet le plus délicat. La législation, ses limites, ses abus parfois – conséquence d’une sorte de phobie fébrile du drone, largement exagérée et montée en épingle au vu des accidents quasi inexistants impliquant ces engins. Ce sont plutôt des usages intempestifs de certains, et surtout une crainte irraisonnée liée à ses capacités jugées inquiétantes (survol de zones sensibles ou privées).
Mais bref, il faut faire avec ! Donc, on fait au mieux. J’ai donc décidé de « jouer le jeu » et d’inscrire mon drone sur le site de la FAA. Il en coûte 5 dollars, valable 3 ans… rien de bien méchant donc. Pour ce prix, vous aurez un drone dûment enregistré et doté d’un numéro d’aéronef ! ça donne ceci :
Un contact français vivant et travaillant aux US, détenteur d’un drone (rencontré virtuellement sur un groupe Facebook de « dronistes ») m’avait dit que les douaniers « s’en fichaient »… et bien, c’est vrai ! Vous pouvez sans soucis entrer et circuler – même via des vols intérieurs – avec un drone, au même titre qu’avec un appareil photo par exemple, sans susciter d’ire…
Ceci dit, encore une fois, l’immatriculer ne coûte rien au regard du budget d’un road trip !
Pour l’avion, comment ça se passe ?
En avion, l’appareil , qui utilise des batteries types LiPo , doit voyager avec vous. Il est recommandé de ne charger les batteries qu’a 50% et de les ranger dans des pochettes spéciales disponibles à bas prix sur Amazon.
Une fois aux USA, quelles sont les règles à respecter ?
Les règles de base, qui sont aussi de bon sens :
- Avoir au moins 16 ans
- Enregistrer son drone sur le site de la FAA (coût : 5 dollars pour 3 ans, comme déjà expliqué)
- Voler de jour uniquement avec une visibilité minimale de 4 à 5 km
- Ne pas voler aux dessus de personnes (juste du bon sens, vous dis-je…)
- Piloter depuis une voiture autorisée dans les zones peu habitées
Peut-on faire voler son drone n’importe où ?
Alors je vais enfoncer une porte ouverte, mais… non, hélas ! Et je dis bien « hélas » car ceux qui vont me dire qu’un drone serait « insupportable » (mais en ont-ils vu souvent ? En 3 semaines aux USA, je n’en ai vu qu’un seul autre), je leur oppose que les nuées de touristes bruyants débarquant de bus, armés de zooms inquisiteurs le sont au moins autant… ils vous pourrissent les points de vue en se collant devant pour des selfies interminables, voire vous collent leurs perche limite sous le nez… et là, on ne dit rien…
M’enfin, foin de polémiques, il est interdit de voler dans les Parcs Nationaux. Je ne suis pas là pour appeler à enfreindre les lois. Je n’ai pas volé dans ces parcs fréquentés (tels que Zion ou Bryce Canyon…) mais je me suis rabattu sur leurs périphéries peu fréquentées, elles. Le pays est tellement immense, magnifique, que vous pourrez sans soucis trouver à voler dans des sites splendides. Comme le Monument National Grand Staircase-Escalante, un parc non géré et libre, comportant la fabuleuse Cottonwood Canyon Road ! Ça donne ceci :
Je vais me faire l’avocat du diable, comme on dit. Mais à titre personnel, si je vois que l’environnement est propice (discrétion, sécurité sont les critères maîtres) et que l’utilisation du drone va apporter une vraie plus-value, je le fais voler, en m’éloignant des zones publiques pour décoller en toute discrétion, restant suffisamment haut pour ne pas être vu ou entendu.
Par plus-value, j’entends, obtenir des images impossibles à obtenir sinon. Par exemple, à Bryce, vu que depuis le Rim Trail, on a déjà une vue surélevée, le drone ne va pas apporter grand-chose. J’ai tenté à Grand Canyon : je suis allé m’isoler 50 mètres en contrebas. A peine en l’air, j’ai fait descendre l’engin 100 mètres encore plus bas. Mais le canyon est tellement large que le temps que l’engin (qui a une autonomie d’environ 20 minutes) parcourt suffisamment de distance pour être utile (voire d’autres secteurs) il est quasiment temps d’entamer le retour… Et pas question de monter en altitude, vu les nombreux aéronefs de visiteurs qui sillonnent les cieux. Pas d’intérêt donc…
En revanche, voir de prés Butler Wash Ruins sans drone, c’est compliqué…
Il y a quand même des endroits où vous pourrez voler sans soucis et vous faire vraiment plaisir en toute légalité ! Les abords de Las Vegas par exemple, comme Red Rock Canyon et le désert environnant ! Il est également possible de faire voler son drone dans les National Forests mais aussi dans quelques State Parks.
Donc, avec un peu de bon sens, d’intelligence et de retenue, on peut arriver à se faire plaisir et ramener de sublimes images ?
Voilà, c’est je pense un bon résumé de ma longue réponse (désolé ^^) à la précédente question. Savoir garder du bon sens et du libre arbitre face à des législations parfois exagérées ; tout en restant raisonnables et responsables. Et discret. « Pour vivre heureux, vivons cachés » ! C’est parfois dommage, mais c’est une réalité… et le jeux en vaut la chandelle !
Si vous avez le moindre doute avant un vol, ne décollez pas. Le vent fort est également un ennemi du drone, bien que leurs capacités en terme de stabilité est souvent impressionnante.
Parlons matériel : quel type d’appareil conseillerais-tu pour un road trip aux USA ? Une marque que tu recommanderais en particulier ?
J’ai essayé Parrot, le fabricant National. En l’occurrence son BEBop2. C’est je dirais, un engin « de début », solide, mais affecté des tares du Parrot, à savoir une liaison avec la télécommande aléatoire, et une qualité d’image plus que moyenne. Et je ne parle même pas de son encombrement…
Parrot a depuis sorti le Anafi, qui semble avoir résolu les problèmes de qualité d’image. Cependant, la liaison reste en wifi, donc sujette aux perturbations électromagnétique , plus que la liaison « Occusync » de la marque DJI, de loin la leader du marché.
Je possède le Mavic Pro1, qui est un engin juste épatant. Il se replie (hélices comprise) et tient dans une petite sacoche.
La télécommande est de taille réduite, facile à mettre en œuvre et à ranger. Son seul défaut ? Sa caméra montée sur 3 axes et qui semble bien fragile !
A la vérité, je doute qu’elle survive a un choc frontal ^^, mais justement… l’engin embarque des capteurs frontaux qui le stoppent net en vol, s’ils détectent un obstacle… ouf ! Ceci dit, je le possède depuis 2 ans et je n’ai pas abîmé la caméra. Il suffit juste de remettre son cache (équipé d’un système qui bloque l’ensemble camera) à l’issue de chaque vol. Il y en a un fourni avec l’engin mais en deux parties – peu pratique. Pour quelques euros (2 à 4) vous pourrez trouver un modèle « une pièce » de ce genre :
DJI sort en ce moment un très intéressant Mavic Mini (lire le test ici), seulement 250 grammes, 25 minutes d’autonomie, photos 12 MP et vidéo 2.7 K (largement suffisant !) pour la (très) modique somme de 400 euros, 500 euros le « more combo flight » qui comporte des batteries supplémentaires ! Alors, il ne fait que des JPEG (perso je n’utilise pas le RAW ni les capteurs frontaux des MP1 et 2) mais pour le prix, la fiche technique fait carrément envie ! Un engin qui tient dans la main et dans une poche, juste idéal pour la vadrouille…
A noter que ces appareils sont tous équipés d’un positionnement GPS, et d’une (vitale) fonction RTH (return to home) : en cas de déconnexion du drone (perte de signal ou autre), l’engin revient à son point de départ de façon autonome. Ça sert aussi à le faire revenir à vous en appuyant juste sur une touche. Génial ! Il est de ce fait important de toujours décoller d’un endroit dégagé (pas d’arbre, de câble ou autre obstacle que l’engin pourrais percuter).
Y’a-t-il des pièges à éviter ?
Oui, je dirais : se laisser envahir par la griserie et risquer la perte de son engin car on a surestimé sa capacité à le maîtriser. Je conseille de s’entraîner dans un espace dégagé (champs par exemple) et au début, de rester à vue. Apprendre les évolutions de base, se méfier de l’environnement. Les arbres par exemple, de même que les câbles (électriques, téléphoniques) sont les ennemis vicieux du drone. Il n’est pas rare d’en voir se mettre exprès sur la route de votre engin, si si, je l’ai vécu… Vicieux, je vous dis !
Mais une fois l’assurance prise, ainsi que la conscience des risques environnementaux, il ne faut pas hésiter à pousser un peu l’audace ! Voler au dessus de la mer par exemple ne comporte pas plus de risques. Ces engins sont stables et ne tombent pas pour rien !
Attention à ne pas partir trop vite, avant que le drone n’aient eu le temps d’enregistrer sa position GPS ! Car en cas de perte de contrôle, le RTH ne pourrait s’effectuer, avec pour résultat le risque de perte de son engin.
Un dernier conseil pour ceux qui hésitent encore ?
Franchement, l’essayer c’est l’adopter ! Pour le passionné d’images, c’est un extraordinaire outil complémentaire. Il est certain que l’ambiance de méfiance entourant le drone doit inciter à en user avec prudence et discrétion, les deux maîtres mots ! Si on respecte ça, on peut alors se faire vraiment plaisir… Bon vols à toutes et tous !
Merci Jérôme d’avoir partagé avec nous ton expérience de road trip aux USA avec un drone.
En résumé
- Les drones sont autorisés dans les sites naturels dépendants du Bureau of Land Management, les National Forests, les National Wildlife Refuges et les National Conservation Areas (dans la majorité des cas). Pour les State Parks, c’est au cas par cas. Les drones sont interdits partout ailleurs, notamment dans les National Parks. Voir également sur ce blog… Vous trouverez sur le site officiel du fabriquant DJI une carte interactive des zones autorisées… ou pas aux USA.
- Suivre les consignes de la Federal Aviation Administration : ne pas survoler en présence d’autres personnes / ne pas survoler la faune sauvage à moins de 100 mètres / ne pas survoler les feux et incendies / ne pas survoler à basse altitude en présence d’avions…
- En cas de doute, ne pas hésiter à se rapprocher des autorités (Rangers…).
- En cas d’infraction, vous risquez 6 mois de prison et 5000$ d’amende.
- Crédit photos : Jérôme M.
5 Commentaires. En écrire un nouveau
Tres intéressant reportage. Je vis vers Phœnix et ai aussi une maison à Sedona Arizona. En effet il faut être respectueux des parcs nationaux mais il faut aussi éviter les zones classifiées “ wilderness” nombreuses autour de Sedona. Je suis de Genève expat depuis 28 ans aux USA dont 21 en Arizona
Merci Nicole pour ce retour et les précisions 😉 excellente année à toi et tes proches dans cette magnifique région..!!
Bon article. Pour info, il existe une appli geniale aux US qui s’appelle B4UFLY qui permet de geolocaliser et surtout savoir si on est dans une zone dronable ou pas.
A noter aussi qu’aux US, histoire de ne pas avoir de soucis en cas de controle FAA, le drone doit disposer d’un strob. J’en ai achete un pour 10$ sur un site de commerce en ligne bien connu. L’essayer c’est l’adopter.
Bonjour, il me semble qu’il n’est pas obligatoire d’enregistrer son drone si celui-ci fait moins de 0,55 pounds soit 2,4Kg, si? Merci
Bonjour Alex,
En effet, les drones de moins de 0.55 pounds (soit 250 grammes !) ne sont pas soumis à cette obligation d’enregistrement, voir ici : https://www.faa.gov/uas/getting_started/register_drone